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Les lieux de Napoleon

Date post: 06-Mar-2016
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Un voyage entre la Ligurie, la Corse, la Sardaigne et la Toscane
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Les lieux de Napoléon Un voyage entre la Ligurie, la Corse, la Sardaigne et la Toscane Esperienze di rete culturale transfrontaliera per la valorizzazione del patrimonio napoleonico Ajaccio~Carloforte~Livorno~Lucca Massa Carrara~Pisa~Sarzana~Savona
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Les lieux de NapoléonUn voyage entre la Ligurie, la Corse, la Sardaigne et la Toscane

www.napoleonsites.eu

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Esperienze di rete culturale transfrontaliera per la valorizzazione del patrimonio napoleonico

Ajaccio~Carloforte~Livorno~Lucca Massa Carrara~Pisa~Sarzana~Savona

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Les lieux de NapoléonUn voyage entre la Ligurie, la Corse, la Sardaigne et la Toscane

Esperienze di rete culturale transfrontaliera per la valorizzazione del patrimonio napoleonico

Ajaccio~Carloforte~Livorno~Lucca Massa Carrara~Pisa~Sarzana~Savona

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Edition promue par le Secteur Initiatives Spéciales de Touring EditoreStrada 1, pal. F, Milanofiori - 20090 Assago (Mi)tel. 0257547509, fax [email protected]: Luciano Mornacchi

Nous remercions pour leur aimable disponibilité: les Provinces, les Communes, les Bureaux décentrés du MIBAC et toutes les institutions publiques et privées des territoires partenaires qui ont collaboré à des titres divers à la réalisation de ce guide

Rédaction et mise en page:Alcos Pr&pressoffice s.r.l.- Milano

www.alcoscomunicazione.com

Impression et reliure :Lalitotipo s.r.l. – Settimo Milanese (Mi)

© 2013 Touring Editore S.r.l. – Milanowww.touringclub.com

Cet ouvrage a été réalisé par la Direction Editoriale de Touring Editore à l’initiative des Province de Lucques, Province de Livourne, Province de Massa-Carrara, Province de Savone, du Consortium pour la promotion touristique de la Commune de Carloforte, la Ville de Sarzana – Itinerari Culturali S.c.r.l., Ville d’Ajaccio, Province de Pisa avec le concours financier du Fonds Européen pour le Développement Régional dans le cadre du Programme Opérationnel Italie – France Maritime 2007-2013 – Projet “Expériences de réseau culturel transfrontalier pour la valorisation du patrimoine napoléonien – BONESPRIT”

Textes : réélaboration des textes tirés de www.napoleonsites.eu (projet éditorial et réalisation logicielle de Liberologico Srl) - Coordination scientifique Roberta Martinelli sous la direction de Federica de Luca et Saul Stucchi

Achevé d’imprimer en janvier 2013 Initiative financée avec le Fonds Européen de développement Régional,toute vente est interdite jusqu’en janvier 2018

Programma cofinanziato con il Fondo Europeo per lo Sviluppo Regionale

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Territoires partners:Ajaccio, Carloforte, Grosseto, Livorno, Lucca, Massa-Carrara, Pisa, Sarzana, Savona

Napoléon Bonaparte et son esprit, sa formidable énergie réformatrice qui a transformé les territoires et les peuples d’Europe, vus par le biais d’un projet fi nancé par la Communauté Européenne qui souhaite mettre en lumière les traces tangibles que le grand Corse et les membres de sa famille ont laissé lors de leur vie. Ces oeuvres et ces profondes mutations (sociales, culturelles, urbaines et législatives) sont redécouvertes grâce à un réseau d’itinéraires touristiques et culturels qui valorise l’important patrimoine napoléonien possédé par la Corse, la Ligurie, la Sardaigne et les provinces côtières de la Toscane.

Esperienze di rete culturale transfrontaliera per la valorizzazione del patrimonio napoleonico

Ajaccio~Carloforte~Livorno~Lucca Massa Carrara~Pisa~Sarzana~Savona

Provincia di Massa-Carrara

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Introduction 7

Un grand condottiere 13Napoléon Bonaparte

Les lieux de la mémoire 31Madame Mère, de son nom Maria Letizia Ramolino Buonaparte

Entre ville et campagne 49Lucien Bonaparte

Collectionneur d’art 67Le Cardinal Joseph Fesch

Une femme à poigne 79Elise Baciocchi

Adresses 90

Sommaire

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Il n’est guère aisé d’écrire quelque chose

sur Napoléon qui n’ait pas encore été écrit, et ce n’est

d’ailleurs par l’objectif de cet ouvrage. L’esprit ou le

Bon esprit qui l’anime se propose plutôt de narrer, d’un

point de vue différent, l’ascension d’un personnage que

les livres d’histoire nous ont appris à aimer ou, parfois, à

considérer sans trop de sympathie. Mais Napoléon a été un

des hommes-clefs de son époque, un chef indiscutable et il

a contribué, avec sa famille, à changer l’histoire et la géo-

graphie de toute l’Europe.

Peut-on dire que l’épopée napoléonienne soit véritablement

remisée aux archives? Absolument pas. De nombreuses loca-

lités, en Italie et en Corse, évoquent encore cette période qui a

servi de ligne de démarcation entre deux siècles et deux mon-

des. Cinq personnages emblématiques vont nous accompagner

dans ce voyage dans le temps et nous emmener à travers une

mosaïque historique et touristique s’étendant entre la Toscane,

la Ligurie, la Corse et la Sardaigne.

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Pour les guider, Napoléon en personne, bien évidemment. Parti

d’Ajaccio, il a laissé son empreinte dès sa première campagne

d’Italie : le Savonais résonne encore de son passage à Dego,

à Millesimo, à Cosseria. Il a ensuite voyagé dans une bonne

partie du monde, « des Alpes jusqu’aux Pyramides/du Man-

zanarès jusqu’au Rhin », conquérant Madrid, Moscou, Berlin,

Vienne, Malte, Le Caire, mais pas la Sardaigne. Au contraire

même puisqu’il vit au début de sa brillante carrière échouer

sa tentative d’invasion de l’Île, et sa petite flottille franco-corse

défaite dans les eaux de la Maddalena par un amiral de Car-

loforte.

Le devoir de transmettre la mémoire de la famille est ensuite

confié à Letizia Ramolino. Témoin de l’ascension et de la

chute de son fils cadet, elle a vu ses enfants recevoir en don un

royaume ou une principauté et puis fuir lorsque les événements

historiques se sont envenimés. C’est elle qui vous emmènera

sur un itinéraire qui touchera les lieux de la mémoire, palais,

villes et musées où abondent les témoignages des prouesses,

des passions et des tragédies du clan Bonaparte.

Les thèmes illustrés par Lucien Bonaparte, le troisième fils de

Letizia et Charles-Marie seront les Villes et la campagne, et

nous nous intéresserons en particulier aux paysages modifiés

par les différents Bonaparte. Il fut le véritable révolutionnaire

de la famille, et à un âge désormais mur, devenu un grand

propriétaire terrien embourgeoisé, il révéla de bonnes qualités

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d’archéologue dans son domaine foncier de Maremme ainsi

qu’une passion profonde pour l’histoire.

C’est à son énergique sœur Elise, Princesse de Lucques et de

Piombino que reviendra le plaisir de vous introduire à la Cour

et vous faire admirer les palais et villas qu’elle laissa avec son

époux Félix Baciocchi à ses héritiers.

Le Cardinal Joseph Fesch, le demi-frère de Letizia Ramolino,

sera notre dernier amphitryon ; il nous invitera à visiter les

lieux de culte (églises, cathédrales et chapelles commémora-

tives). Cet homme qui vécut intensément et connut beaucoup

de satisfactions existentielles, eut aussi à souffrir de l’exil et de

son opposition frontale avec son neveu Napoléon qu’il avait

pourtant suivi dans sa jeunesse lors de la Campagne d’Italie,

pays où il était tombé amoureux de l’art.

C’est à eux que revient la tâche de définir les coordonnées

d’une nouvelle manière de voyager. En suivant le fil de l’His-

toire et notre curiosité à assouvir à chacune des étapes

Federica De Luca et Saul Stucchi

Bonne lecture et bon voyage!•

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Un grand condottiereNapoléon Bonaparte

e me considère l’homme le plus audacieux

en guerre qui ait jamais existé. Courageux certes, mais

loin d’être écervelé! Dès mon enfance, j’ai montré que

j’avais des nerfs solides, un caractère ferme et une intel-

ligence particulièrement vive qui m’ont mené loin. « Du

granit chauffé au rouge par un volcan », telle fut un jour

la définition que donna de moi mon professeur de lettres à

l’école militaire de Brienne. Mais peut-être une anecdote

est-elle nécessaire pour vous illustrer ma manière d’être,

naturellement prédisposée au commandement. En hiver

1783 Brienne se retrouva sous une épaisse couche de

neige et nos professeurs en profitèrent pour nous enseigner

J

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les fondements de l’attaque et de la défense. Ils nous sépa-

rèrent en deux groupes, nous laissant entièrement libres

de nos mouvements. Je pris immédiatement le comman-

dement de l’un des deux détachements et j’exhortai mes

camarades à se retenir de se jeter avec fougue contre les

« ennemis ». Je les persuadai en revanche d’édifier un rem-

part pour se protéger des attaques de la partie adverse

qui n’obtenaient aucun effet, mais au contraire laissaient

sur le champ de bataille de nombreuses pertes à cause de

nos sorties bien organisées. La curiosité que remarquaient

certains de mes professeurs ne m’a plus jamais quitté :

même avant d’embarquer pour le long voyage qui allait

m’amener jusqu’à Sainte-Hélène, je voulus d’abord visiter

toutes les fortifications de l’île d’Aix, conçues par Vau-

ban, le grand ingénieur du Roi Soleil. Je me suis toujours

considéré comme un « technicien » attentif aux innova-

tions et convaincu qu’à l’époque moderne pour gagner

une bataille le soin des détails et la préparation sont plus

importants que l’ardeur guerrière. Mais il a suffi d’une

mention fugace de ces deux petits territoires entourés par

la mer pour ramener mon esprit à l’île qui m’a vu naître le

15 août 1769 : la Corse!

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Le voyage pour lequel j’ai le plaisir de vous accompagner à la découverte des sites militaires doit forcément débuter par Ajaccio. Dans le Salon Napoléonien de l’Hôtel de Ville vous pouvez admirer un tableau peint en 1853 par Adolphe Yvon pour enrichir la galerie du château de Compiègne, où moi-même je séjournai à diverses reprises et dont mon neveu Napoléon III fi t sa résidence d’automne. Dans cette toile notre artiste, célèbre pour ses scènes guerrières, m’a représenté à cheval tandis que je franchis les Alpes au mois de mai 1800. Si vous le confrontez avec la plus célèbre version de Jacques-Louis David (lequel en réa-lité en peignit plusieurs exemplaires), vous pouvez remarquer non seulement une approche stylistique différente, mais aussi constater combien les évé-nements successifs ont infl ué sur la composition d’Yvon. Ici vous me voyez les épaules voutées, dans une pose loin d’être héroïque, tandis que David m’a immortalisé pendant que je mai-trise avec habileté mon fi er destrier et indique la direction de l’Italie. Je me

souviens parfaitement de cette traver-sée épique sur les traces d’Hannibal et de Charlemagne : nous luttions contre la glace, la neige, les tempêtes et les avalanches. Le col du Grand Saint-Bernard, comme s’il était surpris et offensé par le passage de cette armée imposante, plaçait sur notre route des obstacles, mais en vain.Les batailles dans lesquelles j’ai conduit mon armée ont marqué le territoire mais ont aussi laissé des im-pressions profondes dans l’imaginaire collectif, grâce aussi à une opération soignée de propagande : tableaux, gravures, récits, monuments et objets communs de la vie quotidienne ont diffusé en Europe mes entreprises. Les sites militaires où je vous guide-rai sont des lieux où l’histoire locale s’est mêlée à l’Histoire avec un grand H, où sont passées des armées bien organisées et des troupes en déban-dade et où dans les eaux cristallines devant des forts à pic sur la mer se sont affrontées des fl ottes battant pa-villons de royaumes et de républiques aujourd’hui disparus.

Carloforte

Ajaccio

Grosseto

LivornoLucca

Pisa

MassaSarzana

MERDE LIGURIE

TOSCANE

Elba

CORSE

SARDAIGNE

LIGURIE ÉMILIE ROMAGNE

LATIUM

PIÉMONT

MERTYRRHÉNIENNE

MER

DE

SARDAIGNE

SavonaArno

Archipel Toscan

Albenga

Dego

La SpeziaMillesimo

Cosseria

PortoAzzurro

Portoferraio

Flumendosa

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SardaigneCarloforte

Mais il est temps de commencer finalement notre voyage et pour ce faire nous devons accomplir un petit pas en arrière, quittant la Corse pour débarquer sur sa sœur méditerra-néenne, la Sardaigne. Et plus préci-sément, je veux vous emmener sur la petite île de San Pietro qui compose avec Sant’Antioco l’archipel du Sul-cis. Son histoire est fort intéressante et est un peu l’emblème d’une des caractéristiques fondamentales de notre « petite mer intérieure », c’est

à dire l’extrême mobilité qui a tou-jours existé entre ses deux rives. Bien qu’ayant été fréquentée dès l’Anti-quité, tour à tour par les Phéniciens, les Grecs et les Romains – cers der-niers l’appelaient l’île des Éperviers – l’île demeura longtemps inhabi-tée jusqu’à ce qu’elle soit repeuplée vers la moitié du XVIIIe siècle par un groupe de marins ligures prove-nant de l’île de Tabarka, en Tunisie. Aujourd’hui encore, en vous prome-nant dans les ruelles de son chef-lieu, Carloforte, ou bien en dégustant son thon rouge réputé dans un des res-taurants du bord de mer, vous pour-

La bataille de Monte Neginovu par Pietro Bagetti

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rez entendre le parler ligure avec sa cadence unique, reprise dans le dia-lecte local. Carloforte doit son nom au Roi Charles Emmanuel III de Savoie en souvenir et remerciements de la concession de l’île à la commu-nauté tabarkine. En 1767, le Duc de San Pietro ordonna, sur d’anciennes ruines phéniciennes, la construction d’une fortification pour défendre le village, le Fort San Vittorio, qui a accueilli un important observatoire astronomique. Mais moi aussi je me suis prodigué pour les iliens : j’inter-vins en effet en faveur d’un groupe de carlofortins enlevés lors d’une incur-

sion pirate et déportés à Tunis. C’est la meilleure preuve que je ne gar-dais pas rancune du rôle décisif que l’amiral carlofortin Vittorio Porcile (1756-1815) joua dans la bataille navale de l’île de La Madeleine où la flotte franco-corse fut défaite. Le 22 février 1793 notre flottille, composée d’une quinzaine d’embarcations, où sur l’une d’entre elles je commandai un bataillon de fusiliers corses, fut re-poussée sans grandes difficultés, fai-sant s’évanouir notre rêve d’envahir et de conquérir la Sardaigne. Ce fut là la démonstration que les étendues marines n’étaient pas le lieu le plus

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adapté pour mettre en lumière mon talent de stratège. Tout compte fait cet épisode n’eut pour moi guère de conséquences, tandis que pour Vit-torio Porcile ce fut sans aucun doute l’événement le plus glorieux d’une vie entière passée en mer, jusqu’au moment où il se retira dans sa Car-loforte, y mourant en 1815. Sa dé-pouille repose encore dans la petite église des Novelli Innocenti, restaurée puis rouverte au culte par sa famille.

Mais Carloforte conserve aussi des souvenirs d’un autre Amiral bien plus célèbre (dans le monde entier!) que Vittorio Porcile : mon ennemi juré Horatio Nelson! C’est lui qui détruisit ma flotte lors de la bataille d’Aboukir, au cours de la campagne d’Egypte, et quelques années plus tard infligea à la marine française la terrible défaite de Trafalgar (une victoire qui lui coûta toutefois la vie). Une plaque posée par la Mu-nicipalité à l’occasion du bicente-naire en rappelle le bref passage sur l’île. On peut y lire que « Le 23 mai 1798 au commandement des navires « Vanguard », « Orion » et « Alexander » l’Amiral anglais Lord Horatio Nelson jetait l’ancre en rade de l’île de San Pietro où, grâce à la solidarité des Tabarkins, il réparait les dommages subis par ses navires et reprenait la mer ». Le navire ami-ral avait en effet subi de graves dé-gâts à ses mâtures, que les maîtres charpentiers carlofortins parvinrent à réparer en quatre jours seulement. L’Amiral fut tellement frappé de cette maestria qu’il en fit l’éloge dans une lettre écrite à l’intention de son épouse, qu’il était sur le point de quitter pour aller vivre avec sa maîtresse Emma Lyon, l’épouse de

Sir William Hamilton, ambassadeur britannique auprès de la Cour des Bourbons à Naples. Mais comme vous le savez, je suis la dernière personne à pouvoir critiquer ce comportement de l’Amiral anglais, ayant moi-même plus d’une amou-rette à me faire pardonner...

Le moment est venu d’évoquer aussi un autre personnage qui a lié son nom à Carloforte, un descendant du grand Michel-Ange. Je veux parler de Filippo Buonarroti, idéologue et révolutionnaire sur la petite île sarde et sur le « continent ». C’est lui qui dressa avec la population de l’île l’Arbre de la Liberté en jan-vier 1793, quelques mois après le mouillage des navires français. San Pietro fut proclamée « île de la Liberté », gagnant le primat de première république de l’ère mo-derne. Buonarroti participa aussi à la rédaction de la Constitution que peu de temps après il allait illustrer à Paris, où il se rendit pour affirmer la volonté des carlofortins de faire partie de la République Française. Il passa l’année suivante en Ligurie, en qualité d’Agent National et de Proconsul auprès du Commissariat d’Oneglia, s’engageant dans une ac-tivité jacobine intense d’organisation du gouvernement d’occupation des territoires conquis sur le modèle de l’administration française. Mais son ardeur révolutionnaire le conduisit à entrer en conflit avec le puissant marquis Del Carretto di Balestrino, où sont exposées dans les anciennes écuries de précieuses tables du ca-dastre napoléonien du Savonais. Sa tentative d’abolir les privilèges féo-daux qui pesaient sur les habitants du village échoua à cause de la réha-

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bilitation du marquis, qui entraina sa disgrâce suivi de son arrestation en février 1795. Condamné dans un premier temps à la prison, il fut envoyé aux confins puis déporté à vie. Mais il continua ses activités po-litiques d’organisation et de soutien de nombre de mouvements révolu-tionnaires, jusqu’à sa mort en 1837.

LigurieDego, Monte Negino, Montenotte

et Cosseria : La simple mention de ces noms provoque de fortes émo-tions aux passionnés d’histoire. C’est dans ces paysages qui au-jourd’hui paraissent aux touristes si paisibles et amènes qu’il y a un peu plus de deux siècles mon armée et moi-même avons écrit quelques-unes des pages les plus glorieuses de l’épopée qui porte mon nom. Si Toulon a été la première marche de l’escalier menant à la gloire, les victoires remportées dans ces vil-lages ont confirmé mes dons de commandement et ont contribué à l’éclosion de mon mythe. Le point de départ pour revivre ces éléments peut être Porto Vado Ligure : en partant de là, et franchissant le col d’Altare qui sépare les Apennins des Alpes avec l’aide d’un prélat local, nos troupes parvinrent à Monte Negino le 11 avril 1796. Combien d’hommes avais-je sous mes ordres! Le chef de brigade Rampon fit jurer à ses troupes de mourir les armes à la main plutôt que de se rendre à l’ennemi. Le jour suivant, les géné-raux Masséna et Laharpe déclen-chèrent l’attaque à Montenotte et le 13 ce fut le tour de Cosseria. Le 14 avril, je renversais à Dego le sort

d’une bataille qui pour nous sem-blait désormais perdue. Mais l’année précédente déjà, vers la fin 1795, la Ligurie avait été le théâtre d’une ba-taille épique. Au bout de trois mois de position nos troupes et les troupes austro-piémontaises s’affrontèrent à Loano, donnant l’occasion au géné-ral Masséna de montrer à tous ses talents de stratège et de condottiere. A partir du 23 novembre et pour les deux jours suivants 25 mille fran-çais et 40 mille soldats impériaux se mesurèrent entre Loano, Toirano, Castelvecchio di Rocca Barbena, le col du Scravaion et Monte Lingo.

Albenga Une grande batailleDe la terrasse du Fortin d’Alben-

ga, on découvre la ligne de défense de l’armée révolutionnaire française, une dorsale naturelle qui part de la mer, passe par le Cap Santo Spirito et traverse les reliefs pour termi-ner sur les hauteurs d’Ormea. Pour avoir une idée correcte de son aspect à mon époque tenez compte qu’en raison des apports alluviaux de la rivière Centa la ligne de la rive s’est progressivement éloignée du bord de la construction qui maintenant se dresse dans la campagne à près de 200 mètres de distance de la mer. Le bâtiment a fait l’objet récem-ment d’une restauration qui a permis d’aménager des espaces d’exposition accueillant des initiatives culturelles.

LoanoLoano représente l’épisode final

de la retraite des troupes austro-piémontaises de la plaine de Loano.C’est grâce à cette bataille que l’armée française prit pleinement conscience de sa supériorité morale et militaire.

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Les soldats étaient galvanisés, aguer-ris, endurcis par les combats et les privations, confiants dans leurs offi-ciers résolus et vigoureux. A Paris, le rêve de voir plier l’ennemi principal de la révolution devint une possibilité

concrète. Les premiers mois de l’an-née 1796 le Directoire m’envoya dans le Ponant savonais pour remplir cette mission et c’est de là que commença l’itinéraire de la Première campagne d’Italie, où, en cinq journées seule-

André MassénaMais je ne souhaiterais pas m’étendre plus longtemps sur le Pape

Pie VII car les souvenirs de nos relations orageuses me mettent de mauvaise humeur. Je préfère que pour un moment de route commune nous accompagne l’un des généraux les plus valeureux que j’aie jamais connus, un homme tenace et courageux entre tous. Sa valeur augmentait avec le danger croissant et lorsqu’il était battu il ne se rendait jamais, tout au contraire, il repartait avec davantage de soif de gloire qu’auparavant. Je vous présente André Masséna, qui a reçu le surnom de « fils préféré de la victoire »!D’origine modeste, il naquit à Nice lorsque la ville était encore l’apanage du Royaume de Sardaigne et il ne devint citoyen français que lorsque les troupes révolutionnaires l’annexèrent en 1792. Dès l’année suivante il se trouvait à mes côtés lors du siège de Toulon. Il avait alors vingt-quatre ans et était colonel d’artillerie, en somme un parfait inconnu. Les Anglais avaient conquis Toulon et il était pour nous indispensable de reprendre la ville. Sa reconquête fut mon premier succès et restera pour toujours dans ma mémoire comme l’un de mes plus beaux souvenirs. Envoyé sur les lieux, j’avais découvert qu’y régnait la confusion et le désordre, mais je sus rapidement gagner la confiance des supérieurs et des subordonnés grâce à mes compétences militaires, fruit d’années d’études et de mon talent indubitable. Ayant donné une contribution importante à cette entreprise héroïque Masséna fut promu général de brigade et semblait voué à devenir le commandant de l’armée d’Italie. Il était âgé en 1796 de 37 ans et il était coureur de femmes et avide d’argent, et pas seulement de gloire. Mais c’est moi qu’on lui préféra, sur indication de Paul Barras, le membre le plus influent du Directoire. Pendant la campagne d’Italie, il se distingua à de nombreuses reprises et sous le Consulat puis l’Empire il prit part à presque toutes mes campagnes militaires. Je le nommai Maréchal de France et Prince d’Essling, mais je fus également pour lui un bourreau. En septembre 1808, quelques mois après l’avoir fait Duc de Rivoli, je l’invitai à participer à une partie de chasse à Fontainebleau. Malheureusement pour lui, je ne visai pas très bien et il reçut une décharge de plombs en plein visage et perdit l’œil gauche. Le général Berthier voulut donner une énième preuve de sa fidélité à mon endroit en assumant de manière chevaleresque la responsabilité de cette erreur.

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André Masséna, Duc de Rivoli, prince D’Essling, Maréchal de France

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ment, je parvins à battre les forces alliées austro-piémontaises à Monte-notte, Dego, Cosseria et Millesimo.J’utilisai pour ce faire les idées de réforme de la tactique militaire élaborées par Guibert à l’époque pré-révolutionnaire, les adaptant à une armée révolutionnaire animée d’une forte passion patriotique. Cette armée était très mobile, peu liée aux fournitures dispensées par les arrière-gardes, très insuffisantes et donc tirait sa subsistance du terri-toire qu’elle parvenait à occuper, oc-casionnant cependant des problèmes importants aux populations locales.

DegoDégo, en province de Savona, est

l’un des lieux de Ligurie auquel mon nom est le plus strictement lié. Les troupes françaises et autrichiennes s’affrontèrent une première fois le 21

avril 1794, mais c’est la deuxième bataille, les 14 et 15 avril 1796, qui fut déterminante pour l’issue de la campagne d’Italie. Si j’avais perdu à cette occasion, tout serait allé très différemment probablement, mais ma victoire sur la coalition austro-piémontaise nous ouvrit la route vers la conquête du Piémont. Dès la fin 1797 Dego fit partie du Département du Letimbro dont Sa-vone était le chef-lieu et fut annexée avec toute la République de Ligurie au Premier Empire Français. La ju-ridiction de Dégo évolua les années suivantes au fil de l’évolution des systèmes administratifs français, mais l’événement le plus remar-quable de cette époque turbulente restera le bref séjour du Pape Pie VII. Le pontife fut contraint par le mau-vais temps à s’arrêter là pendant son voyage qui allait le ramener à Rome

Giuseppe Pietro BagettiSans doute l’ignorez-vous, mes amis, mais lorsque vous pensez aux

batailles napoléoniennes bien des fois vous viennent à l’esprit des scènes qui portent la signature d’un dessinateur turinois qu’il n’est pas exagéré d’appeler un artiste, Giuseppe Pietro Bagetti (1764-1831). Les livres d’histoire sont souvent enrichis de ses illustrations qui ont le grand avantage d’allier précision maniaque pour les détails et une vision panoramique d’ensemble harmonieuse. Ses paysages restituent les silhouettes de citadelles fortifiées prises d’assaut par des soldats français, tandis qu’en toile de fond des points à peine perceptibles paraissent avancer en ordre parfait. D’autres fois en revanche la multiplication des fumées témoignent du désordre des combats, lorsque les deux armées se fragmentent en petits détachements pour la conquête d’une ferme ou d’un terre-plein. J’ai beaucoup apprécié ses travaux qui ont immortalisé les campagnes victorieuses de 1796, de 1797 et de 1800. En 1811 j’ai décoré Bagetti de la Légion d’Honneur pour sa vue d’Italie des Alpes jusqu’à Naples et il m’a également suivi dans l’entreprise malheureuse de la Russie. Fatigué sans doute de tant de ces scènes de guerre, il passa les dernières années de sa carrière à pratiquer une peinture plus imaginaire

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Dego, Gravure de Pietro Bagetti

après son séjour en prison d’abord en France puis à Savone. Le jour de ma première abdication je décidai de le libérer définitive-ment et son retour se transforma en un voyage triomphal. Même à Dego la population l’acclama tandis qu’il fendait la foule trônant sur son bal-daquin encore aujourd’hui conservé à la mairie.

MillesimoMusée Napoléonien de Millesimo

Les batailles épiques de la cam-pagne d’Italie de 1796 fournissent le thème de bien des œuvres conservées au Musée Napoléonien de Millesimo (en province de Savone), installé dans la Villa Scarzella. Elle fut la demeure estivale à la fin du XVIIIe siècle de Giuseppe Scarzella, puis fut agrandie par son fils Alberto qui fut maire de Millesimo de 1888 à 1913.

Les salles du musée accueillent de nombreuses reproductions gra-phiques illustrant les exploits et les protagonistes des faits d’arme qui se sont produits dans la province de Savone. Mais à côté des gravures figurent aussi des cartes géogra-phiques, des affiches et des avis, do-cuments qui racontent les péripéties historiques auxquelles la Ligurie ser-vit de cadre. Grâce à cette abondante collection de gravures, les visiteurs peuvent remonter la chronologie des événements, de ceux précédant les affrontements de 1795 jusqu’à l’oc-cupation française de la Val Bormida et de la Ligurie et à la constitution du département de Montenotte, pas-sant d’étape en étape des débuts de la Campagne de 1796 aux batailles de Monte Legino et Montenotte et à la conquête de Millesimo et de Cos-seria. Une section est entièrement

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consacrée à la bataille de Dego. Les maquettes sont elles aussi fort utiles pour mieux comprendre le cours de ces événements dont le déroulement réel échappait souvent à nous autres protagonistes, plongés comme nous l’étions dans la confusion de la ba-taille. L’alternance des assauts et des repoussements, le désordre dans les replis et dans les avancées empêchait souvent de pouvoir disposer d’un cadre général lisible, et la majeure partie des soldats se retrouvaient dans la même condition que le pro-tagoniste de la Chartreuse de Parme de Stendhal, Fabrice del Dongo, sur le champ de bataille de Waterloo.

L’Alcôve Quelle année, 1796! Je me sou-

viens encore de cette soirée de printemps (nous étions le 15 avril)

lorsque, au bout de plusieurs jours d’affrontements dans la zone de Savona, je pouvais finalement recueillir le fruit de nos efforts en recevant l’acte formel de reddition des ennemis qui me remirent leurs drapeaux. Je les accueillis dans une salle du palais de la famille noble des Del Carretto à Millesimo, un édifice qui accueille à présent la Mairie. Cet événement historique a été immortalisé dans une gravure de Delanoy de 1838 qui me repré-sente assis sur un canapé dans une pièce illuminée par des lampes tandis que je reçois l’hommage des vaincus. La pièce où nous sommes est appelée l’Alcôve, un nom peu adapté à son illustre hôte ; elle ac-cueillera quelques années plus tard sa Sainteté Pie VII, de son patro-nyme civil Barnaba Chiaramonti.

La prise du Château de Cosseria dans une gravure de Schroeder

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Sarzana (La Spezia), Forteresse de Sarzanello

Cosseria Château des Del Carretto

Mais revenons à ce formidable printemps 1796, lorsque nos troupes affrontèrent les troupes Austro-piémontaises. Je conduisis moi-même le 13 avril l’attaque du château des Del Carretto de Cosseria, juché au sommet d’une pente raide sur laquelle il avait été édifié pour contrôler les parcours menant de la mer vers le Piémont. L’existence du château est attestée par des documents avant même l’An Mille et il fut possédé par Bo-nifacio del Vasto à partir de 1091 puis les marquis de Clavesana au XIIe siècle, avant d’entrer en pos-session des Del Carretto. Après avoir été abandonné il tomba gra-duellement en ruines au cours du Dix-septième siècle.

Cette zone accueille des reconsti-tutions historiques à l’occasion des anniversaires des batailles.

Fort de la CastellanaJe nourrissais de grands projets

pour la baia delle Grazie, dans le golfe de la Spezia. J’aurais souhaité y réaliser un arsenal militaire et une nouvelle route qui reliait la ville à Portovenere. Je confiai le soin de construire un fort au général Chas-seloup, mais le désastre de Leip-zig et la chute de l’Empire empê-chèrent l’achèvement des travaux. C’est au sommet du Monte Castel-lana, près de Portovenere, que se dresse à plus de 500 mètres au-dessus du niveau de la mer le fort qui domine le golfe de La Spezia. Un large fossé entoure le bâtiment, en forme d’hexagone aux côtés

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irréguliers, auquel on accède par un pont en maçonnerie placé sur le côté nord et qui débouche sur un portail en bois. La cour unique est entourée de la caserne et des maga-sins, tandis que sur les côtés est et ouest se dressent les murailles de combat, qui contiennent respecti-vement deux et trois emplacements pour les pièces d’artillerie. La cime du mont étant particulièrement exposée à la foudre, on installa sur le toit du fort un paratonnerre en-core aujourd’hui en service. Même si nous autres Français ne par-vînmes pas à achever les travaux à temps, ceux-ci durent être faits plutôt convenablement puisque le fort fut utilisé aussi bien pen-dant la Première que la Deuxième Guerre Mondiale. Aujourd’hui il est occupé par la Marine Militaire qui l’utilise comme centre de télé-communications.

Forteresse Firmafede C’est Laurent le Magnifique qui

voulut l’édification de la Forte-resse Firmafede de Sarzana, réali-sée entre 1487 et 1492, l’année de sa mort. Il s’agit d’un exemple re-marquable d’architecture militaire florentine de la fin du XVe siècle, la structure imposante de la Cita-delle présenta dès l’origine un plan rectangulaire avec six bastions qui portent les noms de Sainte Bar-bara, Saint Martin, Saint Pierre Martyre, Saint François, Saint Jérôme et Saint Barthélémy. Le bâtiment ne subit pas de profonds remaniements lorsque les Génois redevinrent les maîtres de la ville et de son territoire, se limitant à achever l’enceinte fortifiée de la ville. Le Maschio, c’est-à-dire la

tour plus haute que les autres qui représentent le centre névralgique de la forteresse, et qui constitue aussi le dernier refuge au cas où les troupes assiégeantes eussent franchi les fortifications externes, se dresse encore isolé et indépen-dant à l’intérieur d’une cour car-rée à laquelle correspond symétri-quement une autre cour – un peu plus vaste – à l’est. Cette dernière accueillait les écuries et les loge-ments pour les soldats. L’entrée principale se faisait par une porte cochère percée sur le côté sud, où se trouvait le corps de garde.La Révolution française, qui s’inspirait des principes des Lu-mières, exerça aussi une influence sur les conditions de vie des pri-sonniers, améliorant les condi-tions hygiéniques des lieux de réclusion. Pendant l’occupation française des travaux auraient dû transformer la forteresse en pri-son et en commissariat de police municipale. Confié à l’architecte Maguin, le projet prévoyait pour la Citadelle une longue série d’in-terventions destinées à moderniser le bâtiment pour le mettre aux nouvelles normes, conçues dans le but de corriger et réhabiliter les prisonniers en vue de leur réinser-tion dans la société. Les toilettes devenaient donc indispensables pour garantir la dignité et la santé aux détenus. La réalisation de cet ambitieux projet fut toutefois in-terrompue par la capitulation du gouvernement français sur Gênes et la Ligurie, au mois d’avril 1814 en conséquence de ma pre-mière abdication après la défaite désastreuse de Leipzig (au mois d’octobre de l’année précédente).

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Un siècle exactement après la Révolution française, la réforme carcérale du nouvel Etat italien prévoira la réalisation de cellules individuelles pour les détenus. Après plus de cinq cents ans de péripéties diverses, la Forteresse Firmafede a été finalement rou-verte au public en 2003 au terme d’une restauration soignée pour accueillir initiatives et manifesta-tions culturelles.

Forteresse de Sarzanello L’existence de la Forteresse de

Sarzanello, une fortification mili-taire qui se dresse sur la colline du même nom dominant la Val di Magra, confirme l’importance stratégique de Sarzana, proie de choix pour bien des appétits. Sa structure témoigne d’une série continue de transformations, à commencer par la partie la plus

ancienne remontant probable-ment au Xe siècle. L’année 1487 marqua un tournant important. Les Florentins défirent les Genois et la Seigneurie entra en posses-sion de Sarzana et Sarzanello. Les Médicis entreprirent la rénovation radicale de son appareil défensif. Les travaux, qui virent la destruc-tion du donjon médiéval (cassero) furent terminés en moins de dix ans, entre 1493 et 1502. Sous la domination napoléonienne la for-teresse risqua la démolition, mais pour le bonheur des visiteurs elle ne fut pas mise à exécution, et une longue période de restauration au milieu du siècle dernier a per-mis son ouverture au public. Au-jourd’hui les seules troupes qu’elle accueille sont celles des figurants lors des reconstitutions historiques comme le Napoleon Festival, une manifestation entièrement consa-

Biscuiterie de Portoferraio (à présent Mairie)

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crée à mon épopée. Mais ses salles accueillent aussi spectacles, évé-nements, laboratoires d’enseigne-ment et expositions artistiques : Sarzanello s’est ainsi transformée en une forteresse de la culture!

ToscanePortoferraio

Je suis convaincu qu’au-jourd’hui le terme de Biscuiterie vous fait venir des idées gour-mandes à l’esprit, bien loin de l’idée de la guerre. A mon époque ce terme renvoyait à un édifice qui avait une fonction principalement militaire, c’est-à-dire à la produc-tion du « biscuit », le pain destiné aux garnisons. La Biscuiterie de Portoferraio sur l’île d’Elbe ac-cueille aujourd’hui la mairie, mais elle fut édifiée sur ordre du Grand Duc de Toscane Cosmes 1er dans la deuxième moitié du XVIe siècle dans le but justement de fournir les garnisons et la ville nouvelle qui avait reçu le nom de Cosmopoli en son honneur. Lors de la présence française ses salles voyaient défiler en permanence de jeunes hommes qui s’occupaient des opérations de recrutement des soldats par tirage au sort. Je me suis toujours opposé à l’exemption du service militaire, et j’ai cherché à y mettre un frein, mais j’imagine aisément que les parents de ces jeunes hommes étaient catastrophés en apprenant la nouvelle de leur enrôlement. La Biscuiterie voyait aussi se dérou-ler les séances du conseil munici-pal. Les chroniques racontent que lors d’une d’entre elles il fut décidé de m’envoyer quatre chevaux lors de la terrible retraite de Russie

en 1812. Qui sait si ces citoyens si généreux auraient pu imaginer que peu de temps après ils allaient m’avoir en qualité d’« hôte »! Une plaque posée sur la façade du bâti-ment en mémoire de mon bref sé-jour suivant le débarquement sur l’île au mois de mai 1814, avant mon installation à la Palazzina dei Mulini, toujours à Portofer-raio, évoque ce fait historique. Bien qu’habitué aux restrictions de la vie militaire, comme le montre mon inséparable lit de camp, je voulus donner dans la mesure du possible un air luxueux à ma rési-dence et pour la meubler je recou-rus au mobilier de la Demeure impériale d’Elise à Piombino.

Fort San GiacomoIl se dresse encore dans la com-

mune de Porto Azzurro sur l’île d’Elbe (en province de Livourne). Son appellatif historique est en réalité Fort de Longone, du nom du golfe qu’il surplombe. Mais ce fort aurait dû s’appeler à l’origine « Pimentel » ou « Benaventano », en l’honneur du Vice-roi Giovanni Alfonso Pimentel, comte de Bena-vente. Et si les noms ont changé au fil des siècles, il en est allé de même des fonctions de cette for-teresse, édifiée entre 1603 et 1606 sur ordre du roi d’Espagne Phi-lippe III qui en confia les plans à don García di Toledo. Couron-nant un promontoire, elle s’élève à quelque soixante-dix mètres au-dessus du niveau de la mer et domine l’entrée du golfe. Elle fai-sait partie à l’origine du système de contrôle des Espagnols qui pro-tégeait les routes navales de l’Etat des Presìdi, fondé en 1557. L’im-

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portance stratégique de ce petit état était inversement proportion-nel à ses dimensions territoriales qui se limitaient au promontoire de l’Argentario avec Orbetello, Porto Ercole et Porto Santo Ste-fano, avec Ansedonia et Talamone et, justement, Porto Longone. Son plan en étoile pentagonale irrégulière se découvre mieux sur les photographies aériennes et sur les plans d’époque qui permettent de repérer d’un seul coup d’œil les cinq bastions, reliés entre eux par des courtines en maçonne-rie à leur tour protégées par des « demi-lunes ». Le fort accueillait la Résidence du Gouverneur, les logements pour les officiers et les casernes pour les soldats de la gar-nison, mais il y avait place aussi pour une poudrière, l’armurerie, deux ateliers (pour l’Artillerie et le Génie), un four, un moulin à vent et l’immanquable magasin à vivres. Le fort est resté de proprié-

té domaniale et est aujourd’hui utilisé comme pénitencier.

Notre visite des sites militaires s’achève ici. Peut-être vous est-il venu la curiosité de savoir lequel d’entre eux je considère comme le plus difficîle à emporter? Je vous réponds comme je le fis à l’amiral Cockburn sur l’île de Sainte-Hé-lène. Au terme d’un diner il me de-manda quelle place forte je consi-dérai comme la plus formidable au monde. Je lui dis qu’il était impos-sible de l’établir car chacune pré-sentait des caractéristiques internes et externes tout à fait spécifiques. J’en citai toutefois quelques-unes éparpillées en Europe, dont Gibral-tar et Malte. D’Italie, je mentionnai seulement Mantoue, que je parvins pourtant à conquérir au terme d’un long siège en 1797, grâce aux vic-toires au pont d’Arcole et à Rivoli qui rendirent vaines les dernières résistances des Autrichiens.

Île d’Elbe, Fort S. Giacomo

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Les lieux de la mémoireMadame Mère, de son nom Maria Letizia Ramolino Buonaparte

quatorze ans, quand je quittai en 1764 la

maison de mon père, un inspecteur du Génie Civil italien pour

la Corse, épouse promise au noble Charles-Marie Buonaparte

(le « u » fut ensuite enlevé par Napoléon), j’étais fort loin de

m’imaginer ce qui m’attendait : le « gouvernement » de huit

enfants (d’autres moururent prématurément), destinés à en-

tremêler et déterminer – tant en public qu’en privé – les destins

du vieux Continent. Cela fit de moi une mère austère, sévère

mais équilibrée, énergique et avec les pieds sur terre, diraient

les contemporains. En 1785, à peine âgée de trente-quatre

ans, j’étais déjà une veuve qui affrontait l’inconnu de temps

difficiles. Ce furent des années de restriction qui ne s’interrom-

pirent qu’avec la montée au pouvoir de Napoléon, mon deu-

A

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xième fils, qui ramena la famille à une certaine aisance et sous

les feux de la rampe. Je ne partageai pas toujours les décisions

et les manies de mes enfants. Pour des raisons connues de moi

seule, et que les historiens continuent à débattre, je ne souhai-

tai pas assister à l’auto-couronnement de l’Empereur. Mon fils

ne me le pardonna pas. Au point de ne pas me faire figurer sur

la tribune d’honneur dans l’immense toile commémorative de

David, à présent exposée au Louvre! Loin de la cour, je menai

une vie modeste et retirée, suivant les destins de ma progéni-

ture et luttant pour en conserver intacte la mémoire. Une fois

après avoir quitté la Corse, tourmentée par des révoltes conti-

nuelles, je trouvai refuge à Marseille puis à Paris où j’arrivai

en 1804, quelques mois avant d’être proclamée par décret,

« Son Altesse impériale, Madame, mère de l’Empereur ». Cet

appellatif ronflant fut bientôt supplanté par le plus simple

« Madame Mère ». En 1814, après l’abdication de Napoléon

avec qui je passai quelques mois en exil à l’île d’Elbe, je me

décidai à vivre à Rome, sous la protection du Pape, avec mon

demi-frère, le Cardinal Joseph Fesch. J’y demeurai pour le

restant de ma vie, priant, écrivant des lettres demeurées sans

réponse à Napoléon, désormais exilé sur la lointaine île de

Sainte-Hélène. Mais dans mon cœur demeuraient mon Ajac-

cio natale et cette petite île où tout avait commencé.

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Fondée par les Génois, Ajaccio veille sur les eaux limpides de la pleine mer, dans une alternance de côtes élevées et rocheuses et des plages de sable très fi n. Nous sommes loin de cette côte toscane-ligure à laquelle elle est pourtant liée par tout un réseau de liens historiques fort anciens. C’est ce littoral, que les ascendants de mon mari quittèrent à la fi n du XVe siècle pour aller vivre dans une île qui était encore sous la domi-nation de la République de Gênes, et tracer leur nouveau destin, Napoléon ne pouvait que naître ici, dans cette terre à l’identité culturelle marquée. « Je pourrai la reconnaître les yeux fermés grâce au parfum suave de son maquis », répétait-il souvent. En réalité, il vécut peu de temps en Corse. Mais tout dans la ville, encore aujourd’hui, évoque la fi gure et les prouesses de ce fi ls indomptable et des Bonaparte en général : églises, palais, rues, places, maisons de campagne, musées où je m’apprête

à vous emmener sont les points de repère d’itinéraires théma-tiques qui invitent ces voyageurs d’aujourd’hui, baptisés touristes, à refaire le parcours d’affi rmation d’un Mythe. Napoléon lui-même aurait été fi er de toutes ces atten-tions et chaque année, le 15 août, jour qui le vit naitre et qui coïn-cide avec la Fête de l’Assomption, c’est un peu comme s’il revenait à la vie, pour retrouver un peu de la sérénité de sa prime enfance et les traces d’un passé inoubliable.

CorseAjaccio

La Maison Bonaparte qui pré-serve plus qu’aucune autre l’esprit des Bonaparte ne vous dira peut-être pas grand-chose à première vue. Rien de fastueux, ni de différent des nombreuses demeures jaune ocre qui bordent les ruelles étroites de ce village, habité jusqu’aux XVIe siècle uniquement par des génois. Depuis 1682 elle se dresse Rue Saint

Ajaccio

Grosseto

Livorno

LuccaPisaMassa

Sarzana

MERDE LIGURIE TOSCANE

Elba

CORSE

SARDAIGNE

LIGURIEÉMILIE ROMAGNE

LATIUM

PIÉMONT

MERTYRRHÉNIENNE

Savona

Arno

Archipel Toscan

Albenga La Spezia

Portoferraio

San Miniato

Marciana

Procchio

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Charles, témoin d’une dynastie qui sut s’affirmer en concluant accords et mariages d’intérêt. Apparemment modeste, j’y mettai le pied en 1764, jeune épouse de Charles Marie, seul descendant mâle des Buonaparte d’alors. Lui aussi voulut embellir et élargir la résidence de ses ancêtres avec une belle terrasse, de belles ta-pisseries cramoisies dans sa chambre à coucher, des cheminées en marbre et une table grandiose dans la salle à manger! Des détails qui permet-taient de consolider le prestige social acquis. En 1766 elle était déjà l’une des maisons les plus représentatives de ce quartier pittoresque. Derrière la façade qui porte le blason de la famille, je mettais au monde sept de mes enfants sur les huit devenus adultes. Il 15 août 1769 ce fut le tour de Nabulione di Buonaparte, un nom – en hommage à l’oncle frère de l’archidiacre Lucien, disparu depuis peu –, que le futur empereur consi-dérait comme « une vertu virile, poé-tique et redondante ». Les annales de l’époque racontent que je fus prise par

les douleurs de l’enfantement tandis que j’àssistai à la messe de l’Assomp-tion. Ramenée rapidement à la mai-son avec la chaise à porteurs que vous pouvez admirer au rez-de-chaussée, ce fils impétueux ne me donna même pas le temps d’atteindre ma chambre à coucher et ainsi dus-je accoucher sur un canapé. Cette naissance « sur le champ de bataille », en harmonie avec la simplicité d’un futur soldat et celle qui sera plus tard sa chambre à coucher : dépouillée, avec des murs peints à la chaux et aux meubles es-sentiels. Rien à voir avec les tapisseries raffinées à fond rouge de mon salon au premier étage, provenant de Paris. Ou bien avec la salle où l’on admire l’arbre généalogique des Bonaparte jusqu’en 1959, avec autographes, armes, portraits et autres souvenirs, ou encore avec celle où est retracé le voyage en Corse de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie (1869). Ce fut mon royaume domestique, là où je remplis, j’espère de mon mieux, mon rôle de mère. Je ne vous cacherai pas avoir été autoritaire, et aux dires de beaucoup, maniaque des règles.

Charles-Marie Buonaparte, homme, mari, père Lorsqu’il fut frappé de mort spudaine, en 1785, à Montpellier, mon mari

Charles-Marie, noble corse et brillant avocat qui s’étaient formé au droit à Pise et à Rome n’avait pas encore quarante ans. Père et époux peu présent, il fut un bon homme politique et en 1767, alors que le passage de la Corse de la République de Gênes à la France était déjà dans l’air, il rentra à Ajaccio pour rejoindre Pasquale Paoli, le père spirituel de la lutte pour l’indépendance de l’île. Mariés déjà depuis trois ans, Lætitia partagea avec lui les années de la Résistance. Après l’exil de Paoli et la défaite des indépendantistes, il adhéra à la cause française et fut nommé membre de l’Ordre Corse de la Noblesse en voie de constitution. Ce fut le premier pas d’une ascension qui le conduisit en 1778 à représenter la Corse à la cour de Louis XVI.

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Anne Louis Girodet de Roussy-Trioson, Portrait de Charles-MarieBuonaparte. Ajaccio, Salon Napoléonien de l’Hôtel de Ville

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Prendre un bain était une pratique quotidienne, contrairement à l’usage de l’époque qui le prévoyait une fois par semaine même dans les classes les plus aisées! La disparition de Charles Marie me laissa dans une situation économique précaire. Joseph, mon ainé, n’avait que dix-sept ans. C’est mon oncle, l’archidiacre Lucien, qui nous soutint économiquement. En 1783, la mai-son fut saccagée par les partisans de Paoli et puis devint un dépôt d’armes et casernement pour les troupes sous les anglais. De Marseille, où nous nous étions réfugiés, nous revînmes dans notre patrie en 1796, et grâce aussi à l’indemnisation versée par le Directoire aux Corses après l’occu-pation anglaise, nous pûmes acheter l’appartement au deuxième étage et avec Joseph nous confiâmes les tra-vaux à l’architecte suisse Samuel-Etienne Meuron. Rendue fort belle par des décorations et un mobilier d’un grand raffinement, je laissai la maison en 1799, date de mon départ

à Paris, aux bons soins de Camille Ilari, La nourrice de Napoléon qui la citera ensuite dans son testament. L’immeuble passa en 1805 à mon cousin André qui fit ouvrir à l’exté-rieur une gracieuse place Letizia et le jardin où, en 1936, pour le centenaire

Ajaccio, Maison natale de Napoléon dans une gravure d’époque, ci-dessous un cliché de son aspect d’aujourd’hui

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de ma mort, fut placé le buste de Ven-zin représentant le roi de Rome (le fils de Napoléon). Elle passa successive-ment de main en main jusqu’à Joseph puis à sa fille Zénaïde, princesse de Canino qui la céda à son tour, en 1852, à son cousin Napoléon III. Ten-tant en même temps de récupérer le mobilier d’origine désormais dispersé, ce dernier commandita sa rénovation à l’architecte Alexis Piccard, l’auteur du palais de Fontainebleau, et au peintre Jérôme Magliol. Confisquée en 1870, elle fut restituée au Prince impérial en 1874 et, à sa mort, assi-gnée à son héritier. En 1923, elle fut donnée à l’Etat qui en fit en 1967 le Musée National de la Maison Bona-

parte. C’est l’un des monuments his-toriques aujourd’hui les plus visités de la Corse. Si vous voulez faire connais-sance avec ma famille, ne manquez pas d’observer l’ovale en velours où je figure aux côtés de Charles Marie et de tous nos enfants. Et puis je m’émeus encore devant l’uniforme miliaire du Premier Empire et les masques mor-tuaires de Napoléon, deux en plâtre et un en bronze.

Nous étions le 21 juillet 1771 lorsque Napoléon fit sa première entrée en société sans le savoir. Dans la cathé-drale de Notre Dame de la Miséri-corde, avec sa sœur Marie-Anne, dis-parue encore en bas-âge, il reçut le

Les MilelliA 3 km environ du centre, sur les hauteurs qui ponctuent d’oliviers l’intérieur

des terres d’Ajaccio les Bonaparte avaient leur résidence campagnarde, les Milelli, dont l’acte d’achat est conservé à la Maison Bonaparte. Cette exploitation agricole à plan carré, avec de belles caves voûtées et plusieurs hectares de terres, cultivées surtout pour des nécessités domestiques, fut léguée aux Jésuites par Paul Emile Odone, le beau-frère de mon mari et parent de l’Empereur. Avec d’autres biens, elle fut ensuite revendue par les Bonaparte après l’expulsion des religieux voulue par Louis XV, et en 1785 – la même année où je restai veuve – elle revint dans notre famille. Contrainte à faire de grandes économies pour payer les études de Joseph et de Lucien et assurer aussi une éducation à mes enfants les plus jeunes (Jérôme avait à peine une année), j’accueillis avec soulagement le soutien de Joseph Fesch, mon demi-frère et futur Cardinal, qui sut la gérer avec une grande compétence d’économe. C’est là que je vins me réfugier, avec mes filles Elise et Pauline, avec Fesch, en 1793, pour échapper aux partisans de Paoli. Pour Napoléon ce fut un lieu de divertissement et d’insouciance. Chaque fois qu’il revenait dans sa patrie il ne manquait jamais de la visiter. De retour de la campagne d’Egypte, en 1799, il y passa les journées des 2 et 3 octobre, en compagnie de Murat, du maréchal Lannes et du Contre-Amiral Gantheaume. Deux jours après, il quittait pour la dernière fois sa terre natale. Par testament, elle fut léguée par son oncle archidiacre à la ville d’Ajaccio. Entre les années 1970 et 1980, elle accueillit partie de la collection de Louis Dozan aujourd’hui exposée au Musée de la Corse de Corte. Vidée de ses souvenirs, elle est depuis lors fermée au public. Cela vaut tout de même la peine de monter jusque là-haut, pour profiter des parfums de la campagne environnantes et des essences de l’arboretum.

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sacrement du baptême. Pour revivre un peu ces moments, il suffit de visi-ter l’Hôtel de Ville d’Ajaccio, un sobre édifice bâti sous le règne de Charles X, siège du Musée Napoléo-nien. Là, dans ledit Salon napoléo-nien, une vitrine dix-neuvième siècle en bois blanc et doré surmontée du grand « N » couronné et ceint de laurier, et par le buste napoléonien d’Antoine Denis Chaudet, accueille

l’acte de baptême du futur empe-reur. C’est un manuscrit très usagé, où en caractères italiques on lit le nom de Napoléon suivi plus en bas par celle de sa sœur Marie-Anne, de son père Charles Buonaparte, et de celles de parrains et de marraines. Avec d’autres souvenirs, il font partie du legs fait à la ville par mon demi-frère, le cardinal Joseph Fesch. En plus du certificat, dont l’authenticité

Les Bonaparte, protagonistes de leur époqueIl est indispensable, à ce point, que je vous présente mon illustre

descendance. L’aîné de mes enfants, Joseph, naquit à Corte en 1768. Aux études de droit et aux sirènes du commerce, il préféra rejoindre Napoléon dans la Campagne d’Italie. L’avènement de l’Empire le conduisit d’abord au gouvernement du royaume de Naples puis, en 1808, du royaume d’Espagne, où toutefois il ne fut pas bien accueilli. Il rentra ainsi en France et y resta jusqu’à la chute de son frère. Après une parenthèse aux Etats-Unis, il revint en Europe en 1839 et vécut à Florence le restant de ses jours. Après le cadet Napoléon, qui a déjà largement parlé de lui-même, je donnai la vie à Lucien en 1775. Frère cadet de Napoléon, il se battit avec Pasquale Paoli pour l’indépendance de l’île et fut un révolutionnaire convaincu. Fin politique, il fut élu en 1799 Président du Conseil des Cinq Cents, favorisant ainsi la prise de pouvoir de Napoléon et par écho sa nomination au poste de ministre de l’Intérieur puis d’ambassadeur à Madrid. L’entente avec Napoléon se brisa à cause de son mariage, en deuxième noces, avec Alexandrine de Bleshamp. Il dut aussi accepter l’exil à Rome où le Pape Pie VII le fit Prince de Canino, et c’est seulement à la veille des Cent Jours qu’il se rapprocha de Napoléon.Elise, de son véritable prénom Marianne, fut en revanche éduquée dans un pensionnat près de Paris et se réunit à nous lors des années passées à Marseille. Une fois revenue à Paris, au grand désappointement de Napoléon, elle épousa le capitaine Félix Baciocchi. Elevée en 1805 au titre de Princesse de Lucques et Piombino et depuis 1809 Grande Duchesse de Toscane, elle connut une vie mouvementée, vécue au rythme des projets de son frère qui disait d’elle qu’elle était « le meilleur de ses Ministres ». Son destin la conduisit à Trieste, puis à Aquilée, et enfin à Bologne, où elle est enterrée dans la basilique San Petronio. Vint ensuite Louis, dont Napoléon suivit la formation à Paris. Ils étaient

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doublement apparentés : frères et gendres puisque Louis avait épousé Hortense. S’installant en Italie, il se consacra à la littérature. Des trois enfants eus avec Hortense, le dernier, Charles-Louis Napoléon deviendra plus tard l’empereur Napoléon III. De Pauline, ou mieux Marie-Paule, tout le monde connaît le charme et la beauté. Veuve du général Leclerc avec qui elle vécut à Saint-Domingue, mais respectueuse des projets de Napoléon, elle épousa le prince romain Camillo Borghese et conquit la mondanité romaine de l’époque ainsi que l’admiration des artistes les plus illustres d’alors. Après la fuite de Napoléon de l’île d’Elbe, elle fut une surveillée spéciale et elle aussi vécut ses « cent jours » dans la résidence lucquoise de Compignano, propriété d’Elise. La dernière de mes filles fut Caroline, une femme au caractère bien trempé qui obtint la concession de pouvoir épouser Joachim Murat, l’aide de camp de Napoléon, malgré que Napoléon ait eu pour elle d’autres projets. Avec son époux elle gouverna le royaume de Naples, où elle lança une vaste campagne archéologique à Pompéi. Tensions, dissensions, la chute même de Napoléon la contraignirent à se réfugier en Autriche. En 1824 elle fut autorisée à retourner en Italie, mais seulement à Trieste. Sept années plus tard, elle s’installa à Florence, où elle mourut. Le dernier de mes enfants, Jérôme, entra dans la Marine en 1800, et peu après épousa Elisabeth Patterson, une jeune bourgeoise américaine. Son mariage, sur pression de Napoléon, fut annulé, favorisant ainsi ses noces avec Catherine de Württemberg, fille du roi Frédéric Ier, et sa nomination au titre de Roi de Westphalie. Bien qu’à la suite de l’Empereur dans la Campagne de Russie puis à Waterloo, c’est seulement avec l’ascension de son neveu Napoléon III qu’il revint à la politique, fut nommé Maréchal de France, puis Président du Sénat. Avec Napoléon et son frère Joseph, il repose dans l’église Saint-Louis des Invalides à Paris.

est mis en doute par les mauvaises langues, le salon est une apothéose de tableaux, statues, médailles, por-traits et bustes concernant la famille impériale et provenant aussi d’autres donations. Au Musée Fesch, dans le Palais qui porte le nom de mon demi-frère, on trouve aussi l’un des masques mortuaires de mon regretté fils. Il s’agit d’une œuvre en bronze s’inspirant des moules en plâtre

de François Antommarchi, un des médecins qui en certifia le décès à Sainte-Hélène.

Avant de devenir un stratège indis-cutable, Napoléon fut un enfant comme les autres. Un enfant qui rêvait déjà de grandes entreprises, à la tête d’armées fantastiques, non sans commettre quelques dégâts. En marge de la ville, dans la spianata

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di Casone autrefois des Jésuites, il aimait laisser courir sa fantai-sie débridée dans une grotte, à présent dite de Napoléon, faite de gros monolithes posées les uns sur les autres parmi des oliviers cente-naires. La légende veut qu’il y soit retourné aussi à l’âge adulte, lors d’un de ses rares passages à Ajac-cio. Pendant des années abandon-né à lui-même, comme le souligna dans ses notes sur la Corse (1872) l’écossaise Thomasina Campbell, ce lieu est aujourd’hui l’une des plus belles places d’Ajaccio, la Place d’Austerlitz. En hommage à cette glorieuse bataille, une sous-cription publique fut lancée pour la construction d’une pyramide imposante en granit au sommet d’un grand escalier flanqué de deux aigles aux aîles déployées. Pour coiffer le tout figure la copie de la statue impériale exécutée par Charles-Emile-Marie Seurre en 1833, placée sur la colonne de la Place Vendôme à Paris. Son inau-guration en 1938, fut le prétexte pendant quatre jours de célébra-tions animées, du 14 au 17 août.

LigurieSarzana

Ce n’est pas un hasard si le sur-nom de Francesco, premier Buo-naparte installé à Ajaccio, fut « le Meure de Sarzana ». A dire la vérité, le premier dans l’absolu fut Giovan-ni Buonaparte, qui quitta à la moi-tié du XVe siècle ce petit village à la limite entre la Ligurie et la Toscane pour Bastia, à la suite du Gouver-neur Tomasino Campofregoso. Je ne veux pas entrer dans des considéra-tions certainement plus adaptées aux hommes de la famille, mais Sarzana, et avec elle la Lunigiana, était déjà au XIIIe siècle un pole stratégique, un carrefour de négoces et de com-munication fort intéressant pour l’empereur Frédéric II, qui souhaitait étendre son autorité au reste de la Toscane, îles comprises, et à la Sar-daigne. A Sarzana, un des marchés les plus importants d’Italie, affluaient commerçants et artisans de toute la Toscane qui pouvaient vendre ici librement leurs marchandises, mais aussi des professionnels, notaires en particulier, qui pouvaient dresser les

Des gardiens éternels de la mémoire familiale Le dernier Buonaparte attesté à San Miniato est Jacques (Iacopo), qui a

vécu entre 1478 et 1541 et est l’auteur probable du « Rappel historique du Sac de Rome de 1527 ». Il vous attend dans la nef gauche de la cathédrale Sainte-Marie de l’Assomption où le sculpteur siennois Giovanni Dupré et sa fille Amalia, sur commande du préposé Giuseppe Conti, réalisèrent en 1864 des monuments des sanminiatais illustres. Son portrait à mi-poitrine se trouve dans la partie la plus haute du cénotaphe en marbre blanc orné du bas-relief de l’Allégorie de l’Histoire. Les traits de son visage révèlent une certaine ressemblance avec Napoléon et nombreuses sont les affinités avec une célèbre sculpture de Canova, exécutée à Paris en 1802, au point qu’il n’est pas exclu qu’elle ait inspiré l’œuvre sanminiataise.

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Ajaccio, Les Milelli

actes nécessaires à toute une gamme d’affaires. Et Bonapars, le père de la lignée était un notaire toscan, originaire de San Miniato, lequel comparaissait déjà en 1245 parmi les membres du Conseil Communal de Sarzana. Après lui, beaucoup de Buonaparte occupèrent des charges publiques, ecclésiastiques et de la bonne société locale. Grâce à leurs mérites, mais aussi grâce à une poli-tique d’alliance habile, ils devinrent peu à peu parents des lignées les plus illustres de la Lunigiana : avant tout celle des Calandrini, très proches du souverain pontife Nicolas V, et les marquis Malaspina della Verrucola.En ville – comme vous l’explique-ra mieux mon illustre rejeton, qui

mentionna plusieurs fois ses loin-taines ascendances sarzanaises – demeurent les signes d’un système défensif bien conçu, dont la Porte Romaine, dite aussi Porta Nuova, est un exemple. Bien que se soient écoulés les siècles, la mémoire de notre lignée est encore bien vivante et tous les deux ans la reconstitution historique du « Napoleon Festival » célèbre le rôle de Napoléon dans l’histoire de l’Humanité.

A Sarzana, la branche des Buona-parte alliée aux Malaspina pouvait compter sur beaucoup de biens et parmi ceux-ci d’une maison-tour encore aujourd’hui visible dans la Via Mazzini, en plein centre, qui fai-sait peut-être partie d’un bâtiment qui arrivait jusqu’à l’actuel numéro 36. Bien que fortement remanié, son rez-de-chaussée conserve une partie de sa physionomie médiévale d’ori-gine et les très anciennes voûtes ogi-vales parmi lesquelles on remarque un petit édicule votif et deux inscrip-tions. Il m’est hélas impossible de vous montrer les pièces car il s’agit d’une demeure privée. Je vous sug-gère donc de passer par là au prin-temps lorsque le public est admis ex-ceptionnellement dans l’entrée, lors du rendez-vous des Halls d’entrée en fleurs. Parmi les murs en pierre et les briques apparentes, vous pour-rez ainsi imaginer revenir à l’époque où, à partir du XIVe siècle, ce fut le château des Buonaparte.

ToscaneSan Miniato

C’est à San Miniato, un village enchanteur près de Pise, qu’a vu le jour la dynastie, qui se divisa ensuite

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en deux branches – Les Buonaparte Speziali et les Buonaparte Franchi-ni – qui s’éteignit à la fin du XVIIIe siècle, respectivement avec Giuseppe Moccio et avec le prêtre Filippo.Pendant environ deux siècles, leur quartier général fut l’actuel Palazzo Formichini, via IV Novembre 45. Ne vous étonnez pas d’y trouver l’en-seigne d’une banque. Depuis 1953 il est le siège de la Caisse d’Epargne de San Miniato. Son origine remonte au XVIe siècle, lorsque Vittorio di Battis-ta Buonaparte di San Miniato le com-mandita à l’architecte Filippo di Bac-cio d’Agnolo, fils du fameux artiste florentin. Passé ensuite aux familles

Morali et Bertacchi, il fut acheté en 1877 par le Cavalier Filippo Formi-chini, avant d’être cédé à l’institut bancaire qui conserve une précieuse collection d’œuvres d’art. Parmi les toiles les plus significatives, avec le croquis préparatoire figure L’entrée de Napoléon à San Miniato, une huile sur toile du toscan Egisto Sarri (1837-1901). Visible seulement sur rendez-vous, elle témoigne artisti-quement de la rencontre dans le vil-lage d’alors de San Miniato al Tedes-co (nom du à son origine allemande), en juin 1796, entre le jeune général Napoléon Bonaparte, engagé dans la prise de Livourne, et le prêtre-cha-

Ajaccio, la grotte de Casone

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noine Filippo. Cet épisode est repris dans la chronique de la Gazzetta Toscana, publiée justement à San Miniato. Napoléon domine la scène, sur un cheval blanc à la tête de son armée. Avec son bicorne il salue son parent âgé se dirigeant ensuite vers le cler-gé avec pour toile de fond la Tour de Frédéric II. Les sources locales évoquent aussi une précédente vi-site. En 1778, quand mon fils cadet n’avait que 9 ans, il arriva au village en compagnie de son père, Charles-Marie pour récupérer les documents certifiant les origines nobiliaires des Bonaparte, nécessaires à son admis-

De Marie-LétitiaLors de son exil à l’île d’Elbe,

Napoléon aimait parfois à se retirer en solitaire. Les longues excursions à cheval dans les environs forestiers de Marciana l’avaient amené à découvrir le sanctuaire de la Vierge du Mont, l’édifice sacré le plus célèbre de l’île. Fasciné par ce lieu et cette vue extraordinaire qui s’étendait jusqu’à la Corse, il décida d’y séjourner quelques jours, entre la fin août et le début septembre 1814. Cet épisode, que mon demi-frère, le Cardinal Fesch, vous a bien raconté, constitua une « fuite » du quotidien pour mon fils ; dans un rare moment d’intimité familiale, il retrouva la comtesse polonaise Marie Walewska et à son petit Alexandre, leur héritier légitime. Pour rester en contact avec ses fidèles, Bonaparte fit construire un télégraphe optique sur ledit Masso dell’Aquila. Non loin du Sanctuaire, il avait aussi l’habitude de s’arrêter près de Zanca, s’asseyant sur une roche plate, plus tard rebaptisée « La Chaise de Napoléon ». La tradition veut que de cet endroit il tournât ses regards nostalgiques vers sa terre natale. Non loin de Procchio, en revanche, Pauline se baignait là où affleure l’écueil qui porte aujourd’hui son nom.

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sion au collège militaire français de Brienne.

île d’ElbeAprès la Corse, la deuxième île

des affections fut pour Napoléon l’île d’Elbe. Il y débarqua en mai 1814 et, bien qu’en exil, l’Empereur y trouva un accueil bienveillant. Quant à moi, je restai quelque temps à ses côtés pendant cette circonstance difficile. Il ne se sentait pas un vaincu, et en vrai souverain il contribua à moder-niser l’île, améliorant le réseau routier et son système social et institutionnel. Mais il donna aussi une impulsion à la vie culturelle et mondaine de l’Elbe, avec le concours de Pauline, son invi-tée habituelle. Mais cela ne dura que peu de temps. Le 26 février 1815, une des nombreuses fêtes de Carna-val masqua sa fuite, forte d’un mil-

lier de fidèles et d’une petite flottille, avec laquelle il prit la mer à bord du brigantin L’inconstant, camouflé en navire anglais. Prêt à reconquérir son trône et son pouvoir.

Napoléon passa les tout premiers jours de son exil à l’île d’Elbe dans ce qui est aujourd’hui la Mairie de Portoferraio, comme le rappelle une plaque fixée sur sa façade. A l’époque, elle était la Biscuiterie, un fournil à pain pour les garnisons, la nouvelle ville médicéenne et puis toute l’île. Les logements que mon fils choisit pour devenir sa résidence officielle n’étaient en effet pas encore prêts et pour aménager dignement son loge-ment, il amena beaucoup d’objets personnels de Paris.Il s’installa peu après dans l’hôtel particulier, ou Villa dei Mulini, dans

Ajaccio, Salon Napoléonien de l’Hôtel de Ville. Antoine DenisChaudet, le Buste de Napoléon et la vitrine avec l’Acte de Baptême de l’Empereur

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la localité du même nom dans la par-tie haute de Portoferraio. La Villa dei Mulini constitue aujourd’hui avec la villa San Martino les Musées des Résidences Napoléoniennes de l’île d’Elbe. Il s’agit d’une demeure en position panoramique, entre les Forts Stella et Falcone, particulière-ment exposé aux vents et donc à l’ori-gine destinée à l’édification de quatre moulins, par la suite détruits pour permettre la réalisation d’un jardin à l’italienne.Erigée dans les premières années du XVIIe siècle par le Grand Duc Jean-Gaston de Médicis, puis siège de l’Artillerie et du Génie, elle possé-dait un corps central, à étage unique, qui s’allongeait sur les deux côtés en deux pavillons symétriques. Selon les désirs de Napoléon en personne, on y apporta des modifications radicales

et le noyau central fut rehaussé, de façon à l’amener au même niveau et pouvoir disposer d’un vaste salon à l’étage surélevé destiné aux fêtes et réceptions, ce qu’appréciait particu-lièrement Pauline, invitée habituelle de la demeure. Le réalisateur des travaux fut l’archi-tecte livournais Paolo Bargigli, pro-fesseur à l’Académie des Beaux-Arts de Carrare. Déjà apprécié de notre en-tourage familial, il avait reçu des com-mandes prestigieuses pour le compte de ma fille Elise. Vincenzo Rivelli peintre officiel de la cour, auteur éga-lement des plafonds de la galerie et des pièces à l’étage du palais, exécuta quant à lui les décorations intérieures. Il s’agit d’un petit lieu partagé, et qui possédait un théâtre dont le réaména-gement fut confié à l’architecte Luigi Bettarini. La Bibliothèque était aussi

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un motif d’orgueil. Napoléon la rem-plit de volumes provenant de Fon-tainebleau puis avec ceux donnés par le Cardinal Fesch. Y figurent des livres d’histoire et d’art mili-taire, mais aussi de littérature, géo-graphie et droit, en compagnie d’un nombre consistant de classiques grecs et latins. Les livres italiens sont rares, dont un seul d’entre eux a été imprimé à Livourne.Comme toutes les bibliothèques impériales, celle-ci prévoyait deux noyaux distincts : un à l’usage exclu-sif de mon fils, l’autre destiné aux lectures de la Cour. Grande partie de ses livres, reliés en maroquin, furent frappés du « N » entouré de deux branches d’olivier tressées ou accom-pagné du blason impérial. De sa col-lection font aussi partie deux exem-plaires ayant appartenu a Pauline Borghese, marqués d’un « P » doré surmonté d’une couronne, tandis que trois ex-libris portant l’initiale « C » révèle une provenance probable de la bibliothèque de sa sœur Caroline. La bibliothèque, après son départ rocambolesque, fut ensuite donnée à la ville de Portoferraio. Avec l’Unité d’Italie, les donations de différentes personnalités vinrent s’ajouter au legs napoléonien. La Bibliothèque, actuel-lement de propriété communale, se trouve dans la Villa dei Mulini et fait partie des collections des Musées.

Bargigli apporta de nouveau des modifications structurales à la Villa San Martino, choisie par Napoléon pour devenir sa résidence privée lors de son exil sur l’île. Retirée par rapport au contexte urbain, elle se trouve entre des bois et des vignes de la vallée du même nom, à 5 kilo-mètres de Portoferraio.

Tout, selon mon fils, devait être comme à Paris (« que tout soit comme à Paris »), et c’est ainsi qu’elle fut réaménagée en une demeure nobi-liaire. Sur deux étages, à plan car-ré, elle fut élargie et ouverte sur un jardin en terrasse d’où l’on profitait – aujourd’hui encore – d’une vue ex-traordinaire sur la rade de Portofer-raio. Tout dans les décorations et les détails évoque des fragments de vie publique et privée de l’époque napo-léonienne. Des fresques de la Pièce du Nœud d’amour s’inspirant de l’union de Napoléon avec Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, œuvre du turi-nois A. Vincenzo Revelli, aux trompe-l’œil avec hyéroglyphes, les pyra-mides et la grande carte du zodiaque de la Salle égyptienne. Ce sont des moments importants des entreprises impériales, mais on trouve aussi des curiosités plaisantes comme la vasque octogonale encaissée dans le revête-ment de sol, destinée à accueillir des papyrus, dans le goût oriental.

Le long de la montée Napoléon, qui mène du centre historique de Por-toferraio à la Palazzina dei Mulini, Le Musée de la Miséricorde, qui jouxte l’église de la Confraternité du même nom accueille dans trois salles des objets donnés en 1852, par le prince Demidoff, grand connaisseur et admirateur des entreprises napo-léoniennes. En plus de la copie du sarcophage où l’Empereur repose aux Invalides, il faut admirer son masque mortuaire en bronze, œuvre réalisée en 1841 par les frères Susse de Paris à partir du moulage effec-tué à Sainte-Hélène par son médecin personnel Antonmarchi, ainsi que l’urne funéraire et le moulage de sa main donnée par le Musée de l’Ar-

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La Galerie DemidoffLorsque Napoléon quitta l’île, la Villa San Martino fut temporairement

abandonnée. C’est le prince russe Anatole Demidoff, époux de Mathilde, une des nièces de Napoléon, qui l’acheta de ses héritiers et lui redonna son lustre. Grand mécène, il chargea l’architecte florentin Niccolò Matas de réaliser une galerie grandiose – l’actuelle Galerie Demidoff – destinée à accueillir souvenirs et œuvres d’art pour célébrer le mythe du Grand Corse. Insérée dans le contexte paysager et enrichie de rappels néoclassiques, la galerie devenait le piédestal de la villa surplombante, avec laquelle elle forme aujourd’hui elle forme un ensemble unique. Les rappels des symboles napoléoniens se reconnaissent au premier coup d’œil : l’effigie de l’aigle impérial dans la frise qui coure tout au long de la façade, les trois abeilles, le « N » et l’enseigne de la Légion d’Honneur. D’ailleurs, lorsqu’elle ouvrit au public en 1861, la Galerie Demidoff fut le premier véritable musée napoléonien de l’histoire. Tellement riche qu’au début beaucoup de ses œuvres d’art allèrent meubler la villa qui la surplombait.

mée de Paris. Mais je vous invite à vous arrêter en particulier sur le dra-peau de l’île d’Elbe. Napoléon choisit les couleurs du drapeau de son nou-vel état lors de son transfert sur l’île. Doté d’une bande rouge diagonale et de trois abeilles en or sur fond blanc, il flottait déjà quelques jours après son débarquement sur tous les forts et les villages de l’île! S’inspirant de l’ancien étendard des Appiens, gou-verneurs de l’Elbe après la chute de République pisane, le drapeau de l’île d’Elbe conférait l’inviolabi-lité aux vaisseaux qui la hissaient, conformément à l’article IV du traité de Fontainebleau.

Le dernier acte de la présence sur l’île de mon fils, fut la fondation du Théâtre des Fortunés, appelé par la suite des Vigilants! Il en fit don à Portoferraio au terme de la trans-formation de l’Eglise XVIIIe siècle du Carmine effectuée par l’architecte de

cour Paolo Bargigli, et c’est encore un lieu de spectacles, concerts et autres congrès. Il s’agit d’un théâtre moderne à l’italienne à plan typique en fer à cheval avec quatre rangées de loges et une loge impériale au centre de la deuxième rangée, surmontée par une grande loggia. Décoré de stucs dorés par le livournais Campolmi et orné par le peintre Antonio Vincenzo Revelli, auteur également du rideau de scène peint, il fut inauguré le 24 janvier 1815. Après diverses péripé-ties, une première restauration eut lieu entre 1922 et 1923, et sa trans-formation en cinéma vers 1980 fit l’objet d’une restauration approfon-die sur des plans de l’architecte Maria Berta Betazzi. Le Bal de Carnaval du 26 février 1815 qui devait mas-quer sa fuite de l’île d’Elbe eut lieu en effet dans cette salle. L’empereur la quitta discrètement pour embarquer sur le brigantin et rouvrir son dia-logue personnel avec l’Histoire.

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Entre ville et campagneLucien Bonaparte

est moi qui ait été le vrai révolutionnaire de la famille

Bonaparte. Mais laissez-moi me présenter : je m’appelle Lu-

cien, et je suis le troisième enfant de la famille fondée par Leti-

zia et Charles-Marie Buonaparte, si l’on s’en tient en tout cas

aux enfants devenus adultes. Ma naissance à Ajaccio eut lieu

le 21 mai 1775, l’année où éclata la Guerre d’Indépendance

Américaine. Notre Corse aussi luttait pour son indépendance

et je rejoignai très jeune le mouvement mené par Pasquale

Paoli. J’ai ensuite participé à la Révolution française et j’ai

été déterminant dans le coup d’Etat du 18 Brumaire 1799,

lorsque en qualité de Président du Conseil des Cinq Cents je

parvins à maintenir le contrôle d’une situation qui était de-

C ’

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50

venu particulièrement dangereuse pour mon frère Napoléon,

contre qui s’étaient déjà levées des demandes d’arrestation. Je

fis prévaloir les liens familiaux en cette occasion sur les intérêts

de la République et sans mon intervention l’Histoire aurait

pris une direction différente. Mais la reconnaissance de Napo-

léon ne dura guère, et se limita à ma nomination au poste

de Ministre de l’Intérieur puis d’ambassadeur à Madrid. Ce

qui nous divisa fut ma décision d’épouser en secondes noces

Alexandrine de Bleschamp après que je fusse demeuré veuf

de Christine Boyer. Napoléon avait ses plans bien définis et

je les avais en partie compromis. L’union avec Alexandrine

me rendit père de neuf enfants, mais me coûta aussi l’exil. Je

ne fus pas invité à la cérémonie du couronnement impérial de

Napoléon et cette même année 1804 je m’installai à Rome,

où le pape Pie VII me nomma Prince de Canino, me vendant

un vaste domaine foncier dans le haut Latium. C’est dans ces

campagnes que je découvris la passion pour l’archéologie et

je lançai des fouilles dans de nombreuses localités d’origine

étrusque : les vestiges anciens que je ramenai à la lumière re-

joignirent par la suite les musées les plus importants d’Europe.

A Munich, vous pouvez par exemple, admirer un de « mes »

trésors les plus beaux : la célèbre Coupe d’Exékias avec la

représentation de Dionysos cerné par des pirates étrusques

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transformés en dauphins. Napoléon et moi ne nous sommes

réconciliés qu’à la veille des Cent Jours, entre son retour de

l’île d’Elbe et Waterloo, dernière étape de son épopée avant sa

relégation définitive à Sainte-Hélène. A ce point, vous éprou-

verez peut-être la curiosité de savoir quel est mon aspect phy-

sique. Je vous invite alors à visiter le Musée Fesch d’Ajaccio,

qui se trouve dans le Palais de notre oncle le Cardinal Joseph

Fesch. Ce Palais peut être considéré comme le dépôt des ar-

chives historiques de notre famille et le point de départ idéal

pour de nombreux itinéraires napoléoniens, y compris celui

consacré à la ville et à la campagne. Dans un portrait peint

par Jacques Sablet vous pouvez me voir au premier plan vêtu

avec une sobre élégance, le regard un peu absent et mélanco-

lique. Au deuxième plan figure l’amour de ma vie, mon épouse

Christine Boyer, prématurément décédée en 1800 à 29 ans

seulement : la distance entre nous fait allusion à la séparation

douloureuse que nous a imposée le destin. Je mis beaucoup de

temps à me remettre de ce malheur et longtemps je me retirai

dans ma résidence du Plessis-Charmant en Picardie, négli-

geant mes occupations. Je trouvai uniquement la force de me

rendre quotidiennement visiter la tombe de ma pauvre Chris-

tine. Napoléon dut intervenir pour me faire quitter l’apathie

mélancolique dans laquelle j’étais tombé.

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Après les débuts diffi ciles de l’époque de la Révolution, lorsque j’étais plus radical que Napoléon, les événements de la vie ont arrondi bien des angles de mon caractère et presque sans que je m’en aperçoive je me suis retrouvé propriétaire terrien embourgeoisé, et même un Prince! J’ai fait un sacré bout de chemin depuis les barricades jusqu’aux douces collines du Latium, où la nature me faisait oublier les duretés de cette époque turbulente et les dissensions avec mon frère impé-rial! Mais parlant de paysages, ur-bains ou champêtres, je ne puis que me souvenir avec orgueil des projets ambitieux que les différents membres de ma famille promurent des les ter-ritoires soumis à leur autorité respec-tive. Napoléon et Elise en particulier changèrent en profondeur l’aspect de beaucoup d’endroits. Dans les villes ils percèrent de nouvelles places en abattant de vieux immeubles, par-fois mêmes très anciens, tandis qu’en dehors des agglomérations ils fi rent construire de nouvelles routes, inves-tirent dans la modernisation de mines

et de stations thermales, cherchant à allier – comme l’on dit – l’utile à l’agréable. Ils avaient en tête la « grandeur » parisienne qu’ils tentè-rent d’exporter, avec les adaptations nécessaires, dans leurs domaines ita-liens. Tous ces projets ne furent pas achevés selon les directives qui les avaient inspirés, mais les meilleurs architectes, ingénieurs et artistes y travaillèrent, et encore aujourd’hui nombre de ces lieux conservent des témoignages de leurs œuvres.

LigurieEntre La Spezia et Portovenere

Dans l’Empire Français les routes remplissaient un rôle fondamen-tal : elles facilitaient les échanges commerciaux et permettaient des déplacements rapides pour les per-sonnes, mais comme à l’époque de la Rome antique, la première fi nalité du système routier était militaire. La route reliant La Spezia et Portove-nere (aujourd’hui baptisée SP 530),

Ajaccio

Grosseto

Livorno

LuccaPisa

Massa

Sarzana

MERDE LIGURIE

TOSCANE

Elba

CORSE

SARDAIGNE

LIGURIEÉMILIE ROMAGNE

PIÉMONT

MERTYRRHÉNIENNE

Savona

Arno

Archipel Toscan

Albenga

La Spezia

Piombino

Rome

OMBRIE

Canino

LATIUM

Portovenere

Tiber

Bagni di LuccaCarrara

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Turin, Archives d’Etat. Plan cadastralde la commune de Finale Ligure (Savone).

Les petits trésors de La Spezia La Bibliothèque Communale de La Spezia renferme un petit trésor de papier : il

s’agit d’environ 270 relevés topographiques réalisés par l’équipe de Pierre-Antoine Clerc (1770-1843). Napoléon avait des plans ambitieux pour le golfe de La Spezia et le groupe dirigé par Clerc s’engagea dans une campagne topographique (entre 1809 et 1811), profitant des innovations les plus récentes, comme la méthode des courbes de niveau, introduite pour représenter l’altitude des lieux représentés. Il reste de cette entreprise scientifique trois albums reliés, une chemise de documents épars et une série d’aquarelles. Ces précieux documents ont été conservés par le savant de La Spezia Giovanni Capellini, l’un des fondateurs de la géologie moderne ; il les trouva en France et les acheta pour en faire don à sa ville.

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appelée aussi Via Napoleonica, fut conçue pour atteindre facîlement le futur Arsenal Militaire et la ville de Napoleonia qui devait voir le jour sur la côte occidentale du Golfe de La Spezia. Grâce au journal tenu par le colonel Morlaincourt, envoyé par Napoléon inspecter le Golfe, vous pouvez connaître les lieux avant que l’ouvrage d’art n’ait mo-difié le paysage. En 1808 l’Empe-reur ordonna la réalisation de cette

route de liaison, et confia les travaux à Graziano Lepére, ingénieur en chef du Département des Apennins ; quatre ans plus tard, à la fin 1812, les travaux étaient déjà soumis à la vérification de leur achèvement.

SarzanaNapoléon vous a emmené visiter

les sites militaires, parmi lesquels vous vous souviendrez certainement des forteresses Firmafede et Sarzanello à

Place De GaulleAjaccio est la patrie de nous autres, les Bonaparte, même si l’arbre

généalogique de notre famille a ses racines en Toscane. C’est dans cette ville méditerranéenne que nous sommes nés et avons été éduqués, chacun avec son propre caractère, mais au fond unis par des liens très forts que ni les guerres, ni les révolutions ou choix personnels n’ont pu briser. Même s’il était plus jeune que son aîné Joseph, Napoléon a été pour nous la figure de référence après la mort de notre père et son charisme est bien mis en valeur dans un monument très particulier, installé Place De Gaulle, non loin de la Cathédrale et de la magnifique promenade en bord de mer.Il représente Napoléon en triomphe à cheval, dans la pose d’un empereur romain victorieux, entouré par nous autres, ses quatre frères : Lucien, Jérôme, Louis et Joseph. L’histoire de ce monument se mêle à celle de la France : l’idée de ce monument vint en 1854 au Conseil Général d’Ajaccio et c’est en 1862 que fut institué un comité pour la collecte de fonds par souscription publique. Son président était le prince Jérôme Napoléon et parmi les premiers souscripteurs figurèrent les ministres de Napoléon III. Le résultat final fut une œuvre collective : sur un projet d’Eugene Viollet-Le-Duc, Antoine-Louis Barye réalisa la statue équestre de Napoléon, Aimé Millet celle de Joseph ; Jean-Claude Petit celle de Louis. Jacques-Léonard Maillet celle de Jérôme ; tandis que la mienne est de Gabriel-Jules Thomas. Son inauguration officielle remonte à 1865 avec le monument tourné vers la mer sur indication expresse du responsable du projet. Un siècle plus tard, en 1969, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Napoléon, on a décidé de le déplacer pour le tourner vers la ville. Comme vous voyez, les monuments eux aussi bougent! Du reste il est arrivé la même chose à l’obélisque de la Place de la Concorde à Paris, fait arriver de Louksor par mon neveu Napoléon III : il fallut près de 5 ans de travaux et une dépense de plus de un million de francs de l’époque pour satisfaire ce « caprice ». En me suivant dans ce voyage vous pourrez constater que cette manie de modifier les paysages urbains et extra-urbains s’est répandue chez différents membres de la famille Bonaparte, et pas seulement Napoléon!

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Sarzana. Moi en revanche je veux vous accompagner faire une promenade à la Porta Romana de cette belle petite ville située aux limites entre la Ligurie et la Toscane. Il s’agit d’une des quatre portes de la ville qui faisaient partie du système défensif dont Sarzana s’était dotée au XIIe siècle, la seule avec la Porte de Parme encore existante au-jourd’hui. A l’époque napoléonienne elle fut appelée Porte Neuve suite aux travaux de modernisation réalisés en 1783 par Pietro De Franchi, qui lui conférèrent l’aspect qu’elle possède encore. Comme vous le voyez il s’agit d’une porte monumentale à arche unique revêtue de marbre blanc dont la blancheur est typique de celui de la ville voisine de Carrare. Si vous vous approchez vous pourrez observer le blason de Gênes et lire l’inscription indiquant la date des travaux, tandis que dans une édicule vous remarque-rez une statue de la Vierge Marie. Le blason de Sarzana représentant une lune montante sur laquelle resplendit une étoile à huit pointes campe sur l’intérieur de la voute.

Empruntant les ruelles du centre histo-rique de Sarzana vous finirez inévita-blement par tomber devant le Théâtre des Impavides construit sur les ves-tiges de l’église XVe des Dominicains et de son couvent annexe. L’architecte Paolo Bargigli commença cet ouvrage en 1807 pour l’achever deux ans plus tard, comme le rappelle la plaque po-sée à l’entrée. Il en résulte un bâtiment où les éléments XVIIIe comme le plan en « fer à cheval » se marient parfaite-ment à d’autres éléments néoclassiques comme les élégantes décorations des parapets des petites loges et de l’avant-scène. Une fresque de Giovan Battista Celle décore la voûte centrale avec une

fantaisie de petits angelots musiciens. Les spectateurs s’installaient dans la parterre et dans les trois rangées de loges surmontées par la galerie, tandis que la scène et le portique occupent la zone sur laquelle se dressait le cloître du couvent. C’est justement sous la scène que se trouve l’ancien puits et dans les loges des acteurs on peut voir une lunette ornée d’une fresque, ves-tige de l’édifice précédent.

ToscanePiombino

Au XVe siècle les Appiani, Princes de Piombino, commandèrent à l’ar-chitecte florentin Andrea Guardi la construction de la Citadelle destinée à accueillir la cour seigneuriale. En plus du Palais Appiani elle compre-nait une chapelle consacrée à Sainte Anne, une citerne et tous les édifices indispensables à la vie des souve-rains et de la cour. La volonté réso-lue d’Elise parvint aussi jusqu’à cet endroit de sa Principauté, où entre 1805 et 1807, une opération com-plexe de réaménagement donna lieu à la réalisation d’un nouveau Palais, né du ré-agencement des salles de l’ancien Palais et de l’union des dif-férentes dépendances. On créa par la suite un vaste jardin, moyennant l’abattage d’une porte et d’un bas-tion de l’ancien bâtiment. Ce n’était là au fond qu’un petit sacrifice : nous autres Bonaparte avons toujours été convaincus de la nécessité que l’an-cien, lorsqu’il a fait son temps, cède la place au neuf! La Route de la Princesse

Le moment est venu de vous parler d’une autre route, la route provin-ciale dite de la Princesse qui relie

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Piombino à San Vincenzo par un tracé sinueux entre les dunes de la côte et la pinède. Le nom précédent de route des « Chevaux-légers » lui venait du fait qu’elle était constamment patrouillée par des soldats chargés de contrôler les tours côtières, tandis que son nou-veau et plus noble petit nom lui venait d’avoir été élargie et modernisée à une vitesse record pour pouvoir recevoir comme il le convenait la princesse de Lucques et Piombino, notre sœur Elise. En dépit de l’importance qu’elle a toujours eu dans le réseau routier local, elle n’a été asphaltée que dans les Années Cinquante du siècle dernier.

LivourneVilla Mimbelli, à Livourne, est

depuis 1994 le siège du Musée Com-munal Giovanni Fattori. Naturelle-ment la majeure partie des visiteurs arrive ici pour admirer les œuvres du maître livournais et d’autres peintres Macchaioli comme Silvestro Lega et Telemaco Signorini, mais les col-lections comprennent aussi deux bustes, de provenance inconnue, qui représentent moi-même, et mon inoubliable Christine. Ces œuvres firent leur apparition dans les collec-tions communales de Livourne il y a un peu moins d’un siècle, en 1920, et c’est seulement grâce à la décou-verte de deux bustes similaires en albâtre, attribués au grand Lorenzo Bartolini, le sculpteur officiel de notre famille,qu’ils ont été identifiés comme étant nos portraits. Les deux bustes conservés au Musée sont sans doute de la main de copistes chargés de dif-fuser les portraits des membres de la famille impériale, suivant les direc-tives de la propagande officielle si habilement orchestrée par mon frère Napoléon.

MassaL’étape suivante de l’itinéraire

consacrée aux villes et à la campagne nous conduit dans le centre-ville de Massa, où la nature se révèle sous une forme insolite. Le nom de la Piazza degli Aranci vient en effet des oran-gers qui la bordent sur trois côtés. Dans ce cas aussi ma sœur Elise a fortement souhaité ce projet, d’abord confié à l’architecte Paolo Bargigli remplacé ensuite par Giovanni Laz-zarini. L’ancienne église San Pietro en fit les frais puisqu’elle fut abattue malgré le refus des autorités munici-pales : ses vestiges sont revenus à la lumière lors de la réfection récente de la place. En 1806 Elise avait obtenu de Napoléon la régence du Duché de Massa et une place spectaculaire devait servir d’« antichambre » à son Palais Ducal. A Carrare, une visite s’impose à l’Académie des Beaux-Arts dont le siège est dans le Palais Cybo Malaspina. La cour couverte accueille la Gypsothèque, avec environ 250 esquisses en plâtre, réalisées entre le XIXe et le XXe siècle.Si vous observez l’édicule romaine dite « dei Fantiscritti » vous pourrez remarquer une simple inscription avec les signatures de Canova et de Giambologna.

Entre Lucques et Castelnuovo

Mais les projets de ma sœur ne se limitaient pas aux villes de sa Princi-pauté. En 1810, par exemple, Elise ordonna la construction d’une route qui devait relier Lucques à Castel-nuovo. Le parcours de cette route régionale (ex nationale) n. 445 de la Garfagnana correspond justement à celle de la route voulue par Elise.

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Sarzana (La Spezia), Théatre des Impavides Giovan Battista Celle,Fantaisie d’angelots musiciens, fresque

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Entre 1807 et 1810, en revanche, la route postale reliant Lucques à Bagni di Lucca fut réalisée, et son tracé correspond dans ce tronçon à celui de l’actuelle route nationale 12 « dell’Abetone e del Brennero ».

Dans ce secteur aussi on introduisait les systèmes de construction les plus innovateurs, comme l’étalage de trois couches de gravier d’épaisseur diffé-renciée, du plus gros au plus fin vers la surface.

Les cadastres Napoléoniens de la province de Savone Mon frère Napoléon a eu de nombreux détracteurs et j’ai moi-même

été souvent critique vis à vis de ses actes, mais il faut lui reconnaître le mérite d’avoir promu une réforme qui a fait date et école. Je veux parler du Cadastre Napoléonien par lequel l’Empereur a voulu en finir avec le passé, amenant aussi dans ce secteur un vent de modernité et d’efficacité. Rationaliser et uniformiser sont ainsi devenus des mots d’ordre et le nouveau cadastre a été l’instrument pour recenser (et en conséquence imposer!) le territoire. Comme une extraordinaire équipe de savants, artistes et techniciens avaient « cartographié » l’Egypte à l’époque de l’entreprise malheureuse dans la terre des pharaons (1798-1801) avec pour résultat de faire un portrait actualisé et précis de ce pays, de même l’œuvre des fonctionnaires du Cadastre dessina les territoires du Royaume italien avec une précision jusqu’alors jamais atteinte, grâce aussi à des techniques nouvelles de relevé et l’emploi du système métrique décimal. Napoléon était fier à juste titre de sa « créature » et à Sainte-Hélène il le définit « l’institution la plus solide de l’Empire, la garantie véritable de la propriété, sauvegarde de l’ordre social et sécurité de l’indépendance individuelle ». Devenu le maître de la moitié de l’Europe il avait dû gérer un territoire immense extrêmement fragmentée et il avait voulu remédier à cette situation par son édit de 1807 par lequel il instituait justement le Cadastre, à préparer avec des paramètres précis qui imposaient l’emploi exclusif de coloris bien déterminés, des feuillets de format rectangulaire et des signes conventionnels de compréhension immédiate. Une autre caractéristique innovatrice concernait la présence du « grand sommaire » qui indiquait les quantités, les noms des propriétaires, les qualités et les surfaces des terrains. Pour le territoire savonais, les travaux de cartographie se poursuivirent de 1808 à 1815 sous la direction du préfet du Département de Montenotte Gilbert Chabrol de Volcic (1773-1843),dont la nomination avait été imposée directement par Napoléon. Le chef-lieu Savone vécut sous son administration une période de prospérité et la ville le rappelle encore grâce à la place du centre-ville qui lui est dédiée. Les Archives d’Etat de Savone conservent de nombreux feuillets de cette entreprise titanesque.

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Massa, Piazza Aranci, Palais Ducal

Lucques Le Jardin Botanique de Lucques

est un lieu plein d’histoire, où la nature entremêle ses cycles vitaux à ceux des générations humaines. Sa fondation fut promue en 1813 par la Faculté de Médecine et par le Comité d’Encoura-gement de Lucques afin de conserver les espèces végétales typiques de la Lucchesia, mais ce fut Elise qui rati-fia son instauration l’année suivante, peu avant de devoir abandonner la ville sous les effets provoqués par la première abdication de Napoléon. Ce projet fut abandonné pour être en-suite repris et porté à son terme sous le gouvernement de Marie-Louise de Bourbon. A l’intérieur du Jardin figure encore un témoin de l’époque, un cèdre du Liban de plus de 6 mètres de circonférence, avec une frondaison qui s’étend sur environ 500 mètres car-rés. C’est son premier directeur, Paolo Volpi, qui le planta en 1822. Le Jar-din botanique est divisé en différents secteurs, de l’arboretum où figurent surtout des arbres et des arbustes exo-tiques au lac où vivent aussi des es-pèces de la faune locale, en passant par

la colline qui fait place aux plantes des montagnes lucquoises et pisanes. Le Palais Ducal et la place située devant constituent le cœur de Lucques depuis près de sept siècles, lorsqu’en 1316 Castruccio Castracani, Seigneur de la ville, imposa une modification radicale des lieux de pouvoir. Il fit construire sur ce terrain la Forteresse Augusta et le Palais qui dès lors devint le centre de la République et de la classe des mar-chands qui la gouvernait. Quand Elise arriva en ville en 1805 elle mis tout de suite au point un projet de transforma-tion profonde, visant à créer une place qui mette en valeur le Palais, dont les salles devaient être décorées selon les canons de la mode nouvelle, le « style Empire ». Cette révolution urbaniste entraina beaucoup de mauvaise hu-meur parmi la population mais aussi parmi les intellectuels, mais leurs tra-vaux procédèrent à un rythme effréné avec la destruction d’édifices, aplanis-sement du terrain et plantations de grands arbres. Il en résulta un collage d’édifices plus qu’un ensemble archi-tectural harmonieux comme le pré-voyait le projet. Même le monument

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Lucques via Elisa, à côté le jardin Froussard

célébrant Napoléon destiné à embellir la place (piazza Napoleone) eut une genèse compliquée : Même si Elise penchait pour une solution plus spec-taculaire avec fontaine, ce fut à la fin le projet du sculpteur Leopoldo Vannelli qui fut choisi pour son devis particuliè-rement faible. Mais Elise ne put voir le monument achevé car elle dut quitter Lucques au mois de mars 1814 et la statue « perdit » la tête de Napoléon qui fut remplacée par celle de Charles III de Bourbon-Parme et fut déplacée sur les bastions des remparts de la ville, avant de finir au Musée National de Villa Guinigi qui l’abrite aujourd’hui. En 1817 Marie-Louise de Bourbon prenait la place d’Elise sur le trône de Lucques sur la base de la nouvelle carte géopo-litique issue du Congrès de Vienne, et son effigie, sculptée par Lorenzo Barto-

lini, alla occuper le centre de la place en 1843. Grâce à un travail de rénovation urbaine cette place, qui était devenue au fil de temps un immense parking pour les automobiles, a recommencé à exprimer cet équilibre parfait entre magnificence et sobriété auquel avait songé Elise lorsqu’elle l’avait imaginée. Ma sœur Elise ordonna la réalisation de nombreuses interventions pour mode-ler l’aspect de Lucques selon ses goûts personnels. Une des plus importantes fut le percement d’une nouvelle porte, décision qui unissait à l’aspect pratique d’une accessibilité meilleure à la ville une valeur symbolique profonde : la Princesse voulait que Lucques s’ouvre vers l’est, c’est à dire vers Florence, sa rivale de toujours. Le message était que la Toscane, dont elle avait été nommée grande duchesse le 3 mars 1808, devait

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être considérée comme un territoire uni et pacifié sous son gouvernement. Ce projet très ambitieux prévoyait que la porte conduise à la magnifique place intitulée à Napoléon par une large rue avec arcades. Porta Elisa était donc conçu comme un arc de triomphe sous lequel on serait passé après avoir parcouru une vaste avenue plantée d’arbres, tronçon final (pour ceux qui arrivaient en ville) de la route qu allait relier Lucques à Florence. Mais dans ce cas aussi les projets « pharaoniques » durent être revus à la baisse et la porte fut érigée en 1811 en utilisant aussi les marbres provenant de la démolition de l’église de la Vierge. Le résultat mécon-tenta tout le monde, au point d’engen-drer une copieuse série de propositions d’améliorations, mais c’est seulement en 1937 que furent ajoutés les deux

arches latérales. En 1812 les travaux de la Via Elisa débutèrent sous la direction de l’architecte Giuseppe Mar-chelli, fraîchement revenu d’un séjour à Paris où il avait pu se perfectionner en observant les récents changements qui étaient intervenus dans la capitale de l’Empire.

Bagni di Lucca Bien des lieux de Toscane sont liés

au nom d’Elise : pas seulement les villes qu’elle a souhaité embellir et moderni-ser, mais aussi des sites plongés dans la nature comme les Bagni di Lucca. Ces sources thermales étaient déjà prisées des Romains, mais ce fut la comtesse Mathilde de Canossa au XIe siècle qui leur fit connaître une première période de splendeur. Mais il fallut le charme

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et l’habileté de ma sœur pour donner à ces Bains une réputation interna-tionale. La période napoléonienne fut un concentré de grandes et de petites révolutions, y compris dans la vie quo-tidienne. Ce fut justement alors, par exemple, que fut adoptée la baignoire individuelle à la place des baignoires communes, héritage d’une longue tra-dition qui remontait aux Romains. Le plan de modernisation concernait dif-férents bains, comme le Bain Bernabò, fondé en 1593, qui fut doté d’une nouvelle façade avec loggia ouverte, tandis que les deux corps de bâtiment latéraux permettaient un accès diffé-rencié par classe sociale : la Révolution Française avait abattu beaucoup de barrières, mais à l’évidence pas celle-

ci! Un soin particulier fut réservé aux Bains Chauds, les thermes les plus anciens du site, destinés à devenir le fleuron d’un ensemble de prestations tout compris dans un centre de soins à l’avant-garde, mais aussi à vivre des moments de relax et de divertissement à passer dans la salle de bal et dans le casino à peine édifiés. Une des deux grottes à vapeur naturelle doit son nom à la Princesse Borghese, notre autre sœur Pauline, qui y fut invitée plusieurs fois.

Île d’Elbe Notre voyage nous conduit main-

tenant à l’île d’Elbe et à la Villa San Martino que Napoléon choisit pour être sa demeure privée pendant les dix

Lucques, établissement thermal Bernabò

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mois de son exil, du 4 mai 1814 au 26 février de l’année successive. L’archi-tecte Paolo Bargigli, qui avait déjà tra-vaillé pour Elise (rappelez-vous Piaz-za degli Aranci à Massa et le Théâtre des Impavides à Sarzana), fut chargé de transformer une villa entourée de bois et de vignes en une résidence pri-vée digne d’accueillir un Empereur, même désormais privé de son Empire. Le mètre de la qualité devait être celui de Paris et pour s’y adapter l’édifice fut agrandi et la façade fut ouverte sur un jardin suspendu : de là l’illustre exilé pouvait admirer une vue specta-culaire sur la rade de Portoferraio et vous, les visiteurs modernes, partagez aujourd’hui ce privilège. Les décora-tions picturales sont l’œuvre de l’ar-tiste turinois Antonio Vincenzo Re-velli qui dédia les fresques de la Pièce du Nœud d’amour à l’union entre Napoléon et Marie-Louise de Habs-bourg, tandis que la Salle Egyptienne présente une vasque octogonale d’où pointaient des papyrus, un renvoi à la campagne napoléonienne en Egypte, tout comme les motifs en forme de hiéroglyphes et les pyramides qui recouvrent les parois. Après le départ rocambolesque de Napoléon de l’île d’Elbe, Villa San Martino demeura abandonnée quelque temps jusqu’à son rachat per le prince russe Anatole Demidoff, qui avait épousé notre nièce Mathilde, fille de notre frère Jérôme. C’est à lui que l’on doit la création d’une galerie – qui porte aujourd’hui son nom – où furent exposés souve-nirs et œuvres d’art pour rappeler et célébrer le mythe napoléonien. Avec la Palazzina dei Mulini, la Villa San Martino est le siège du Musée Natio-nal des Résidences Napoléoniennes de l’île d’Elbe.

MaremmeA l’époque napoléonienne encore,

la Maremme était une terre sauvage, flagellée par la malaria qui emportait chaque année de nombreuses vies hu-maines. Etrusques et Romains avaient mis en valeur les sites de la côte et les centres thermaux comme Saturnia, tandis que sous le gouvernement de Sienne on préféra investir dans le déve-loppement de nouveaux villages dans l’intérieur des terres pour exploiter les mines. Par la suite le pendule de l’his-toire revint vers la côte et Florentins et Espagnols prêtèrent attention sur-tout à la défense de la côte, fortifiant des sites comme Talamone, Orbetello et Porto Ercole. Léopold II de Habs-bourg-Lorraine (1747-1792), Grand Duc de Toscane sous le nom de Pierre Léopold, lança des travaux d’assai-nissement des marécages pour guérir celle qu’il appelait sa « fille infirme », sa Maremme. Mais cette opération fut particulièrement longue et laborieuse, au point qu’elle ne put se dire achevée qu’après al chute du régime fasciste. Tout en améliorant la qualité de la vie des habitants de la Maremme, l’assai-nissement permit de développer de nouvelles cultures et la construction de nouvelles infrastructures, un volant pour une économie qui entra vite en expansion rapide, surtout depuis que le tourisme a découvert les perles du littoral, de Punta Ala à l’Argentario.Malgré les profondes transformations subies par le territoire, les caractères typiques de la Maremme n’ont pas disparu grâce à l’institution de zones naturelles protégées, comme le Parc Interprovincial de Montioni avec ses anciennes implantations humaines liées à l’extraction minière. Par nature fiers et jaloux de leur indépendance

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(comme nous, les Corses!) les habitants de la Maremme n’accueillirent pas avec faveur les nouveaux régnants et les mé-contentements se muèrent en révoltes véritables entre 1800 et 1801 à Prata

di Massa Marittima et dans des embus-cades fréquentes contre les troupes fran-çaises. Seule l’action de réconciliation promue par Joachim Murat, à l’époque commandant français en Toscane,

Lucca, Palais Ducal

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ramena la paix grâce à une amnistie qui pardonnait les responsables des désordres. Les passations de pouvoir commencent avec le traité de Lunéville de 1801. L’Autriche céda à la France le Grand Duché de Toscane qui fut tout de suite supprimé et remplacé par le Royaume d’Etrurie. Comme je l’ai déjà rappelé, Napoléon institua en 1805 la Principauté de Lucques et Piombino qu’il assigna à notre sœur Elise. Deux années plus tard, en décembre 1807, le Royaume d’Etrurie était à son tour ar-chivé par son annexion directe à l’Em-pire français et la nomination d’Elise au rang de Grande Duchesse de Toscane. Pendant cette période, et ce jusqu’à la chute de Napoléon, la Maremme ap-partint au département de l’Ombrone dont le chef-lieu était Sienne.Mais revenons à Montioni : de ce village autrefois nommé commune d’Elise, et aujourd’hui Montioni Nuo-vo, demeurent des témoignages directs comme certains édifices résidentiels, le four pour l’alumine, le bain thermal, une citerne et une stèle commémo-rative. Un édifice en particulier a été récemment restauré pour montrer aux visiteurs comment vivait la commu-nauté de ce village minier, composée d’ouvriers des mines, de bucherons, de charbonniers et de charretiers. La Maison du Directeur existe encore elle aussi. Le premier d’entre eux fut le français naturalisé toscan Louis Charles Marie Porte (1799-1843) qui parvint à entrer dans les bonnes grâces d’Elise et de son mari Félix Baciocchi. Ma sœur s’était mise en tête de miser sur les mines d’alun et sur les forêts de Montioni pour déve-lopper l’économie de la Principauté. A cette époque, la communauté minière compta jusqu’à 400 employés dans les travaux miniers, les hauts-fourneaux

et les chaudières ou comme charre-tiers et bucherons. Ils provenaient des montagnes toscanes, des hauteurs de Lucques et de Modène et étaient pour la plupart des saisonniers. Si vous étiez passés par là en ce temps-là, vous auriez été certainement surpris de voir aussi au travail de nombreux droma-daires. C’est justement Porte qui intro-duisit ces animaux exotiques pour le transport de l’alumine des minières jusqu’au port de Follonica.

De Grosseto vers la Maremme du Latium

La ville de Grosseto peut être prise comme point de départ pour un itiné-raire fort beau et instructif qui allie les trésors artistiques et les beautés natu-relles. Pour connaître l’histoire du terri-toire la première étape ne peut être que les Archives d’Etat Piazza Socci, où sont conservés les documents les plus importants de la période de la domi-nation française. Le proche Musée Ar-chéologique et de l’art de la Maremme abrite au contraire un calice et une patène, donnés suivant la tradition de Napoléon à l’évêque de la ville, Mon-seigneur Fabrizio Selvi. Notre itinéraire continue en direction de la mer et at-teint d’abord Marina di Grosseto puis traverse Castiglione della Pescaia pour pénétrer dans le Golfe de Follonica. A l’époque napoléonienne il voisinait avec la Principauté de Piombino et re-vêtait un rôle important dans le trans-port maritime du fer et de l’alumine et à destination de l’île d’Elbe, la Corse et la France. A Follonica je fus invité à visiter le Musée du fer et de la fonte aménagé à l’intérieur de l’usine, tandis que la baignoire d’Elise est exposée dans le jardin de la villa du Grand Duc, aujourd’hui le siège du Corps Forestier (Eaux et Forêts).

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Collectionneur d’artLe Cardinal Joseph Fesch

ans le plus majestueux portrait de famille

qui ait jamais été peint, le Couronnement de Napo-

léon, je comparais moi aussi : vous m’apercevez au

milieu du groupe d’observateurs qui se trouvent en

bas à droite, derrière le Pape. A dire la vérité cette gi-

gantesque œuvre de Jacques-Louis David exposée au

Louvre représente le couronnement de son épouse Jo-

séphine, mais la substance ne change pas : ce tableau

immortalise un événement sans précédent, l’apothéose

d’un homme qui s’est fait tout seul, parvenant à 35

ans à ceindre la couronne d’Empereur des Français.

Mais le détail le plus emblématique est le rôle de deu-

D

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xième plan auquel fut relégué Pie VII. C’est moi qui

convainquit Sa Sainteté de venir à Paris assister à

cette cérémonie fastueuse qui participait beaucoup

plus du rite païen que de la célébration catholique.

Mais il est temps que je me présente : mon nom est

Joseph Fesch et je suis né à Ajaccio en 1763. Six an-

nées seulement me séparaient donc de ma demi-sœur

Letizia Ramolino, même si on m’affuble facilement du

titre de « vieil oncle prêtre ». Mon père était un capi-

taine suisse au service de la République de Gênes et

avait épousé la veuve de Giovanni Geronimo Ramo-

lino, la mère de Letizia. Je fus consacré prêtre avant

que n’éclate la Révolution Française qui marqua pour

moi également une césure très nette, qui me poussa

à adhérer à la Constitution Civile du Clergé puis à

me défroquer pour suivre Napoléon dans sa première

campagne d’Italie, en qualité de Commissaire de

l’armée française. Ce fut en Italie que je découvris le

monde merveilleux de l’art, et j’en tombait amoureux

pour toujours! Mais la parabole révolutionnaire était

déjà entrée dans sa phase descendante et en 1801

Napoléon et le Pape Pie VII signèrent le Concordat

par lequel le Catholicisme était reconnu comme la

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religion de la majorité des Français, tout en n’étant

pas la religion d’Etat. En échange le Saint-Siège re-

connaissait la République comme forme légitime de

gouvernement de la France. Ce fut alors pour moi le

moment venu de revenir dans le sein de l’église et ma

carrière connut une accélération notable : je devins

archevêque de Lyon puis Cardinal de San Lorenzo

in Lucina à Rome, où en pratique j’exerçai le rôle

d’ambassadeur de France. J’obtins aussi la charge

de Grand Chapelain de l’Empire Français, mais c’est

alors qu’une nouvelle rupture se consomma. Cette fois

je ne suivis pas Napoléon, et me déclarai ouvertement

en faveur du Pape. Je payai cette prise de position

par la perte de tous les bénéfices dont je jouissais. Je

fus envoyé en exil à Rome où je m’installai en 1814

au Palais Falconieri. Peu de temps après Napoléon

allait se rendre définitivement, tandis que je continuai

à mener une vie consacrée exclusivement à l’art et à

la bienfaisance. Je n’oubliai jamais mon Ajaccio pour

laquelle je fis beaucoup d’œuvres de charité et que je

voulus doter d’un centre de recherches moderne, ce

Palais Fesch qui accueillera ma très riche collection

artistique après ma mort, en 1839.

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L’itinéraire sur lequel je veux vous emmener part du Palais Fesch, où de nombreuses œuvres qui me représentent sont encore aujourd’hui exposées. Ce ne sont pas seulement des « photogra-phies » peintes pour immortaliser le statut ecclésiastique que j’ai at-teint, mais aussi des témoignages directs de ma grande passion pour l’art. Dans mon portrait réalisé par Antoine-Claude Fleury, vous me découvrez assis à mon bureau tandis que je rédige le Concordat. Je porte mon habit cardinalice et porte la croix pectorale. Dans celui réalisé par Jérôme Maglioli huit ans après ma mort, je suis en revanche debout et en soutane de prêtre. Si vous regardez sous la table, vous trouverez de nom-breuses toiles, « témoins » de mon amour pour l’art. Il y a ensuite un portrait peint par Jules Pasqua-lini, où j’apparais assis sur une chaise aux bordures dorées tandis que je tiens à la main une lettre. Dans ce cas, je regarde droit dans les yeux le peintre et ma croix se

juxtapose à la légion d’honneur, afi n de rappeler – et de façon as-sez nette – la prééminence de la première sur la deuxième : j’étais avant tout un homme d’église avant que d’être l’oncle de l’Em-pereur! Mais mes portraits ne sont pas seulement des toiles peintes : le Musée conserve en effet un buste du grand Antonio Canova, commandité en 1807 mais réalisé l’année suivante. La technique change mais pas mon expression qui demeure calme et recueillie, même si mon regard ne peut rete-nir un éclair d’intelligence. Dans la cour du Palais, on trouve encore une statue commémorative, œuvre de Vital-Gabriel Dubray. Mais laissez-moi vous raconter brièvement l’histoire de ce monu-ment commandité par la munici-palité d’Ajaccio qui avait obtenu l’autorisation impériale préven-tive, et fut érigé en 1856 sur pro-jet de Jérôme Maglioli. Le Conseil Municipal avait voulu débloquer 40 mille francs pour sa réalisa-tion, mais la somme était trop

Carloforte

Ajaccio

Grosseto

Livorno

LuccaPisa

Massa

MERDE LIGURIE TOSCANE

Elba

CORSE

SARDAIGNE

LIGURIE ÉMILIE ROMAGNEPIÉMONT

MERTYRRHÉNIENNEMER

DE

SARDAIGNE

Savona

Arno

Flumendosa

Archipel Toscan

Albenga La Spezia

Rome

LATIUM

OMBRIE

Tiber

MARCHES

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élevée pour la ville et on dut donc recourir à un prêt. L’artiste ne put choisir les thèmes des bas-re-liefs et dut obéir aux requêtes du Conseil qui imposa les scènes sui-vantes : ma consécration en qua-lité d’Archevêque de Lyon, la fon-dation d’écoles chrétiennes et ma figure de protecteur des Beaux-Arts. Mais lors de l’inaugura-tion le 15 août 1856 le Conseil Municipal fut déçu par l’œuvre car il considérait que mes por-traits n’étaient pas ressemblants. L’artiste ne se démonta cependant pas et lorsqu’il fut invité à se jus-tifier il expliqua avoir recouru à la collaboration du peintre Jules Pasqualini qui m’avait rencontré de mon vivant et même bénéficié de ma protection.

CorseAjaccio

Au Palais Fesch les souvenirs de mon histoire personnelle et celle des deux Napoléon, le premier et le troisième (Napoléon II, le mal-chanceux fils du Petit Caporal et de Marie-Louise de Habsbourg ne fut Empereur des Français que virtuellement et pour quelques jours seulement suite aux deux abdications de son père) s’entre-mêlent. En particulier la Chapelle Impériale, aménagée dans l’aile droite de mon Palais, ramenée à son faste passé par Napoléon III qui souhaita respecter mes dis-positions testamentaires à la dif-férence de mon neveu Joseph qui avait été pourtant mon exécuteur testamentaire. Le bâtiment est l’œuvre de l’architecte Alexis Pac-card construit entre 1857 et 1859

avec un plan en croix latine, trois nefs et une coupole qui s’élève au croisement des bras. Jérôme Maglioli, que nous avons déjà ren-contré, a été l’auteur des décora-tions monochromes qui tapissent l’intérieur de la Chapelle. Faites courir votre regard sur les vitraux et vous rencontrerez les symboles impériaux alliés à mes attributs ecclésiastiques et à la lettre « F » comme Fesch, tandis qu’une ins-cription en latin placée sur le fron-ton de la façade me célèbre avec les parents de Napoléon et Napoléon III. La crypte, de forme octogonale revêtue de marbre blanc accueille mes restes mortels et ceux d’autres membres de la famille Bona-parte, de Letizia et Charles-Marie, jusqu’au Prince Louis-Napoléon, mort en 1997. Un crucifix copte donné par Napoléon en personne évoque encore sa campagne en Egypte et en Syrie. Pendant cette expédition en Orient il envisagea même l’hypothèse d’embrasser la foi musulmane pour se ménager les Arabes voire même fonder une nouvelle religion, mais il abandon-na ensuite ces projets.

En homme d’église je ne puis que vous recommander une visite à la Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption : elle est pour la communauté corse le cœur de la vie religieuse et c’est justement là que le 21 juillet 1771 Napoléon fut baptisé en compagnie de Marie-Anne, la troisième de ses sœurs à qui ses parents imposèrent ce nom, mais aucune d’entre elles toutefois n’atteignirent leur premier anni-versaire. Les registres de la Ca-thédrale conservent encore l’acte

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Le Léonard du CardinalPalais Falconieri sur la via Giulia à Rome, la résidence du Cardinal

Fesch, devint rapidement trop exigu pour accueillir son immense collection d’art. L’oncle de Napoléon dut ainsi louer un deuxième palais, le palais Ricci-Paracciani, pour y accrocher les tableaux qu’il achetait sur le marché des antiquaires. Il n’éprouvait aucune gêne à se rendre lui-même dans les boutiques, où son œil expert savait distinguer les œuvres de valeur des simples croûtes. Son coup le plus fumant fut l’achat en deux parties du « Saint Jérôme » de Léonard de Vinci (daté d’environ 1480) aujourd’hui conservé aux Musées du Vatican. Un jour il repéra la moitié d’une peinture sur bois d’un lion et partie du corps d’un anachorète. C’est seulement plus tard qu’il découvrit chez un autre antiquaire le reste de la peinture, c’est-à-dire la tête du Saint.

de baptême portant l’indication du parrain et de la marraine, res-pectivement Lorenzo Giuberga et Geltruda Bonaparte, ami et sœur aînée du chef de famille Charles-Marie. Près de l’entrée, une plaque rappelle les dernières volontés de l’Empereur, exilé à Sainte-Hélène. Si on lui avait d’aventure interdit la possibilité de voir sa dépouille reposer à Paris, il voulait être en-terré « aux côtés de mes ancêtres dans la Cathédrale d’Ajaccio, en Corse ». C’est sur le terrain d’un édifice religieux précédent que fut bâtie la Cathédrale actuelle ; les travaux débutèrent en 1554, mais elle ne fut consacrée qu’en 1593. En regardant au-dessus du portail vous pourrez découvrir le blason nobiliaire, un château et un aigle aux ailes déployées, de Monseigneur Giulio Giustiniani, à qui l’on doit le début des travaux. La Cathédrale possède un plan à trois nefs avec transept court et un vaste chœur, tandis que le long des nefs latérales trois chapelles s’ouvrent de chaque côté. La plus

vaste d’entre elles est consacrée à Notre-Dame de la Miséricorde. On y trouve une statue de la Vierge, reproduction parfaite d’une effi-gie vénérée à Savone et appelée Madonnuccia par les habitants d’ Ajaccio. Parmi les nombreuses œuvres d’art je m’arrête au moins sur les peintures murales attri-buées à Domenico del Tintoretto et sur un petit tableau d’Eugène Delacroix représentant la Vierge du Sacré-Cœur (daté de 1822).

Permettez-moi de vous entretenir encore un peu de ma ville bien-aimée, juste le temps de vous em-mener dans le Salon Napoléonien de l’Hôtel de Ville qui renferme un buste de Napoléon, œuvre d’Antoine Denis Chaudet, et une vitrine XIXe siècle en bois blanc et doré contenant l’acte de Baptême de l’Empereur. L’initiale unique de Napoléon, couronnée et ceinte de laurier veille sur un manuscrit marqué par le temps et couvert d’une écriture manuscrite serrée. Nous approchant, il est possible de

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lire sur la page de gauche le nom de Napoléon, et un peu plus bas celui de sa sœur malchanceuse Marie-Anne. Les spécialistes, en réalité, débattent sur l’authenti-cité véritable de ce document qui provient directement de mon legs. Je le conservai dans ma résidence romaine avec d’autres objets et du mobilier.

SardaigneCarloforte

A l’époque turbulente où nous vécûmes moi et les membres du « clan » Bonaparte les églises ont constitué aussi un refuge et un lieu où exprimer par des prières et des œuvres de bienfaisance la reconnaissance pour les dangers évités. Beaucoup d’hommes de foi ont offert des exemples lumi-neux de charité et de dévouement à leur communauté. Tel fut le cas

du jeune prêtre Nicolò Segni qui sut réconforter de 1798 à 1803 ses concitoyens de Carloforte enlevés par des pirates tunisiens suite à une de leurs incursions et emmenés en Afrique du Nord. Le prêtre réveilla en eux la foi en la Vierge Marie, aussi sous forme de dévotion pour une statue en bois retrouvée un jour échouée sur une plage non loin de Tunis, et véné-rée comme une effigie de la Mère de Dieu (même si probablement elle était une figure de proue d’un navire). Finalement revenus sur la petite île San Pietro, don Segni fit édifier un oratoire pour abriter cette image sacrée qui leur avait apporté tant de consolation et un motif d’espérance. L’Oratoire de la Madonna dello Schiavo est appelé dans le dialecte local de génoise « Gexetta d’u Prevìn », c’est à dire « la petite église du jeune prêtre ». On y conserve aussi d’autres té-

Ajaccio, la statue dédiée au CardinalFesch et la Chapelle impériale

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moignages de cette déportation dramatique : dans la contre-fa-çade reposent les restes d’un es-clave inconnu transférés de Tunis en 1988, tandis qu’une plaque posée la même année commémore les 117 habitants de l’île morts sur le sol africain. Mon neveu Napo-léon apporta sa contribution à la libération des esclaves, sollicitant l’intervention du consul français auprès du Bey tunisien, mais ce ne fut qu’après le paiement d’une rançon élevée par le roi Charles-Emmanuel IV de Savoie qu’ils furent enfin libérés.

A Carloforte, le village principal de l’île de San Pietro, vous pouvez également visiter l’église des Nou-veaux Innocents. Laissez-moi vous en raconter l’histoire, qui nous ramène au Moyen-Age, lorsque au début du XIIIe siècle, un groupe de Croisés encore enfants auraient quitté Marseille pour se rendre en Terre Sainte. Le convoi se com-posait de sept navires, dont deux firent naufrage devant l’île de San Pietro. Le Papa Grégoire IX de-mandant qu’en leur mémoire soit édifiée une petite église. C’est ainsi que fut bâtie la petite église des Nouveaux Innocents sur les ruines de laquelle intervint en toute pro-babilité l’architecte du baroque tardif Augusto della Vallea, qui avait déjà apporté des améliora-tions au système urbain de Carlo-forte en 1738. Le style piémontais est mis en évidence par la simpli-cité harmonieuse des lignes archi-tecturales avec les pinacles de la façade rappelant les réalisations de Filippo Juvarra, l’architecte des Savoie. Le combattif amiral

Vittorio Porcile qui défit la flot-tille franco-corse à laquelle parti-cipa Napoléon repose à l’intérieur. Comme vous l’a déjà raconté mon neveu dans l’itinéraire de décou-verte des sites militaires, il était parti de Corse pour conquérir la Sardaigne, mais dans les eaux en face de la Maddalena, il dut faire face les 24 et 25 février 1793 à la réaction inattendue des Savoie. La famille de l’Amiral avait par la suite payé la restauration de la petite église rouverte au culte en 1796. L’édifice fut ensuite fermé longuement, avant sa réouverture en 1928. Plus récemment, à la fin des années Quatre-vingts, elle a fait l’objet d’une restauration conservatoire.

ToscaneMassa

Continuons notre itinéraire des lieux religieux en débarquant sur le continent, avec une étape à la Cathédrale des Saints François et Pierre à Massa. L’édifice fut d’abord une église conventuelle franciscaine et sa genèse est liée au pape humaniste Pie II, de son nom Enea Silvio Piccolomini. C’est lui qui concéda en 1460 à la marquise Taddea Pico della Mirandola, épouse de Jacopo Malaspina mar-quise de Massa, la faculté d’édifier un couvent pour les Frères Mi-neurs Observants. Un peu moins de deux siècles plus tard, en 1629, l’ingénieur Gian Francesco Berga-mini de Carrare opéra une trans-formation profonde de la structure du bâtiment qui fut presque entiè-rement reconstruit. Ma nièce, la volontaire Princesse Elise ordonna

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Carloforte, Eglise des Nouveaux Innocents

en 1807 que l’on abatte l’ancienne église Saint Pierre et comme effet de cette décision il en découla que la proche église Saint François et le couvent annexe durent ac-cueillir le chapitre de Saint Pierre et prendre la double consécration, devenant en même temps « église abbatiale ». Quelques années plus tard, en 1821, lorsque le Diocèse de Massa fut institué, l’église des Saints François et Pierre fut élevée au rang de Cathédrale.

PisaL’étape successive de notre

voyage nous amène dans un lieu dont le nom peut résonner de manière lugubre à nos oreilles.

Mais c’est en réalité un des monu-ments les plus insignes et riches d’histoire de la ville de Pise, son Cimetière ou Camposanto. Il fut fondé en 1277 pour accueillir les sarcophages d’époque romaine, jusqu’alors éparpillés autour de la Cathédrale et réutilisés pour ac-cueillir les dépouilles des Pisans les plus illustres. Lors des deux siècles successifs ses parois furent ornées de fresques avec des cycles pictu-raux importants (impossible de ne pas citer au moins le Triomphe de la Mort réalisé par Buonamico Buffalmacco entre 1336 et 1341). Ces caractéristiques firent que le Camposanto, même lors des sup-pressions napoléoniennes, devint

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au XIXe siècle l’un des premiers musées publics d’Europe, avec nombre d’œuvres d’art remar-quables provenant des églises et des monastères supprimés.

Île d’ElbeLe nom de l’île d’Elbe est indis-

solublement lié à celui de mon neveu Napoléon qui y passa 10 mois en exil. Les touristes visitent ses deux résidences, à présent des Musées, mais ils ne devraient pas négliger pour autant d’autres lieux, comme le Sanctuaire de la Vierge du Mont à Marciana, le plus ancien et le plus vénéré de l’île. On y arrive en parcourant un sen-tier suggestif délimité par les 14 chapelles du Chemin de Croix ; à l’intérieur se trouve une Image de la Vierge aux Cieux, peinte sur un bloc de granit muré dans la paroi, remontant au XIIIe-XIVe siècle, tandis que derrière un autel en marbre de 1661 des fresques attri-buées à Giovanni Antonio Bazzi dit le Sodome ont été retrouvées. La tradition veut que Napoléon ait découvert le Sanctuaire lors d’une de ses excursions à cheval, et resta frappé par la beauté du site et par la vue extraordinaire qui porte jusqu’à la Corse. L’Em-pereur y séjourna brièvement, du 23 août au 14 septembre 1814, exactement au moment où sa maîtresse, la comtesse Maria Wa-lewska, débarquait à l’île d’Elbe en compagnie du petit Alexandre, qu’elle avait eu de lui. Pendant ces quelques jours, ces trois êtres s’unirent pour former une espèce de famille et l’empereur put éloi-gner la tristesse éprouvée par l’abandon de l’Impératrice et sur-

tout pour l’éloignement de son fils, le petit Napoléon II.

GrossetoPour atteindre ses objectifs, mon

neveu Napoléon était prêt à tout : Il déclarait sans ambages être prêt à embrasser la chute de reins de qui pouvait lui servir à un moment donné. Il n’eut donc aucun scrupule à faire arrêter le Pape, mais il était parfaitement conscient du rôle que revêtaient les autorités religieuses et il savait comment se procurer leurs bons auspices lorsqu’il en avait besoin. Il ne lésinait pas en effet les dons « diplomatiques » et c’est à cette générosité personnelle que l’on peut attribuer un calice en argent aujourd’hui conservé au Musée Archéologique et d’Art de la Maremme de Grosseto. Il fut réalisé à Paris entre 1811 et 1813 et possède un piètement circulaire strié et trois cartouches avec des symboles de l’eucharistie et de la passion alternés à des gra te que ce calice a été donné par Napoléon Bonaparte en personne à Monsei-gneur Fabrizio Selvi, l’évêque de Grosseto de 1793 à 1835. Cette question fait l’objet d’un débat entre les spécialistes. On sait tou-tefois que Selvi faisait partie du groupe de prélats philo-napoléo-niens (appelés les « rouges »). Il fut aussi décoré de l’Ordre Impérial de la Réunion en 1814. Le calice fut réalisé à Paris par l’orfèvre J.-B. Famechon, un artisan actif entre 1789 et 1829. En tant qu’homme d’église je vois dans ce revers de la chance l’énième confirmation que les œuvres des hommes passent, tandis que celles de l’esprit de-meurent.

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Grosseto, Musée Archéologique et d’Art de la Maremme. Calice en argent

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Une femme à poigneElise Baciocchi

e m’appelle Anne-Marie, en souvenir de

deux de mes sœurs mortes en bas-âge, mais tout le monde

me connaît sous le nom d’Elise. Née à Ajaccio en 1777,

je la quittai tôt pour étudier dans un couvent parisien.

Après de brèves retrouvailles avec ma famille à Marseille,

je revins à Paris en 1797, et au grand désappointement

de mon célèbre frère, j’épousai le Capitaine Félix Ba-

ciocchi. Quelques temps après s’être proclamé Empereur,

Napoléon nous nomma en 1805 Princes de Lucques et

de Piombino. Un an plus tard notre domaine s’étendit

au Duché de Mantoue et au Marquisat de Carrare. En

1809, j’étais Grande Duchesse de Toscane, et hôte du

J

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Palais Pitti que je contribuai moi-même à décorer. Je fus

une femme à poigne, au point que Napoléon, m’appela

souvent « le meilleur de mes Ministres! ». Lige à son style

et à ses méthodes, je régnai avec sévérité et esprit d’entre-

prise transformant, en neuf années seulement, le visage de

mon petit empire et en promulguant des réformes comme

le « Code rural de la Principauté de Piombino » du 24

mars 1808 et un nouveau code pénal. Toujours en phase

avec la mode de l’époque, j’étais très féminine, comme le

montre bien le buste conservé au Musée Fesch d’Ajaccio

qui me représente les cheveux retenus par un bandeau

décoré d’étoiles d’où s’échappent des boucles de cheveux

douces qui encadrent mon visage. Mes armes? L’élan, la

rationalité et un usage avisé de l’architecture. Mes actes

de « francisation » furent souvent accueillis avec défiance

le peuple m’affubla du surnom de La Madame. Mais je ne

m’en souciai pas.

La chute de Napoléon nous obligea à quitter la Toscane.

Nous nous réfugiâmes à Bologne puis à Vienne où je fus

également emprisonné au Spielberg. Je passai mes derniè-

res années entre Trieste et Bologne où je repose dans la

Basilique San Petronio, après que je sois décédée précoce-

ment à 43 ans, la première des Bonaparte à disparaitre.

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C’est de Lucques que commence mon voyage, suivez-moi!Un périmètre de murailles fortifi ées cache toute une harmonie de ruelles et de placettes d’empreinte médiéva-le, ainsi que de larges places qui s’ouvrent théâtralement à côté de nobles résidences. Telle est la beauté de Lucques, ville qu’en neuf années de mon gouvernement, de 1805 à 1814, je réinterprétai avec fantaisie et détermination, commençant en-tre autres les travaux de l’Aqueduc. Et c’est dans mes habits de vérita-ble souveraine, que je voudrais me révéler à vous dans le tableau qui me représente vêtue de la robe et des bi-joux portés au couronnement de Na-poléon dans la Cathédrale de Notre Dame de Paris, en présence du Pape Pie VII. Cette toile met bien en valeur les symboles du pouvoir impérial, et ce n’est qu’en 1929 qu’elle fut attri-buée à son auteure véritable, Marie – Guillemine Benoist, une peintre très proche du style de Gérard, un artiste pour moi insurpassable. Elle est conservée à la Pinacothèque du Musée National du Palais Mansi, via

Galli Tassi 43, qui possède les chefs-d’œuvre laissés par Léopold II de Habsbourg Lorraine et des œuvres de donations privées. Suivez-moi à présent au Palais Ducal où fl otte en-core un lointain sens de la la magni-fi cence. De grandeur, justement.

ToscaneLucquesPlace Napoléon et Palais Ducal

Finalement débarrassée des voi-tures qui l’occupaient, Piazza Na-poleone est redevenue la grande place d’autrefois. L’idée d’ouvrir un espace d’empreinte française face à ma royale demeure déclencha la fureur du peuple. Je n’en tins nul-lement compte et fi s ainsi abattre des propriétés privées, les Archives, la Tour du Palais, les Entrepôts de Sel. L’église San Pietro in Cortina du XVIe siècle, où l’on vénérait une effi gie de la Vierge des Miracles n’y échappa pas non plus. Une fois tran-sférée l’effi gie de la Vierge la nuit ve-nue, la place put prendre forme. En-tre indécisions, renvois, discussions

Ajaccio

Grosseto

LivornoLucca

Pisa

Massa

MERDE LIGURIE TOSCANE

Elba

CORSE

SARDAIGNE

LIGURIEÉMILIE ROMAGNE

PIÉMONT

LOMBARDIEVÉNÉTIE

MERTYRRHÉNIENNE

Savona

Arno

Archipel Toscan

AlbengaLa Spezia Carrara

Piombino

Rome

LATIUM

OMBRIE

ViareggioCapannori

CapannoliFlorence

Naples

CAMPANIE

Bologna

FRIOULVÉNÉTIE JULIENNE

Trieste

TRENTINOHAUT ADIGE

MARCHES

ABRUZZES

MOLISE

MERADRIATIQUE

Tiber

VALLÉED’AOSTE

Bagni di Lucca

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sur l’aspect à donner au monument célébrant Napoléon, je ne la vis ja-mais achevée. La statue réalisée par Leopoldo Vannelli fut livrée après mon départ et qu’un autre destin se préparait pour Lucques. Et une autre souveraine. Sur le piédestal on salue à présent Marie-Louise de Bourbon, qui fut Reine d’Etrurie, sculptée par Lorenzo Bartolini.

Le Palais Ducal, aujourd’hui siège de la Province et de la Préfecture, témoigne de l’orgueil lucquois. Et ce dès 1316, lorsque Castruccio Ca-stracani érigea la forteresse Augusta sur ce terrain. Sa valeur symboli-que n’échappa à mes velléités de francisation. Je donnai le signal de l’embellissement de la place, et avec Giovanni Lazzarini et Théodore Bienaimé je songeai à remanier le bâtiment. Laissé inachevé par Bar-tolomeo Ammannati, début XVIIIe siècle il avait été revu par le génial Filippo Juvarra. Dans l’aile centra-le, l’appartement hivernal des An-ziani fit place au Quartier du Trône où je vous invite à admirer les repro-ductions modernes des parements en soie, réalisées à l’occasion du Ju-bilé de l’année 2000 en respectant les inventaires de l’époque. Je nous réservai à Félix et à moi des pièces en pur style Empire. Inutile de vous dire que je rénovai l’ameublement avec des meubles néoclassiques fabriqués dans son atelier de Lucques par le français J.B.G. Youf. Pour donner de la visibilité à cette nouvelle manière je misais surtout sur la tapisserie et les meubles, plus rapides à disposer que des décorations importantes. Dans mon trousseau figuraient aussi deux différentes sortes de « tasses » ou « chicchere » pour servir le cho-

colat, la boisson liquide du moment, ainsi que les « coupelles » avec man-ches, employés pour la mousse.

En 1817 Marie-Louise de Bou-rbon chargea Lorenzo Nottolini, l’Architecte Royal de Cour, de ter-miner la cour et reconstruire le rai-de escalier d’accès menant à l’étage noble.

Porta Elisa – Via ElisaJe vous invite, non sans une pointe

d’orgueil, à entrer en ville par l’accès qui porte mon nom. La Porta Elisa, comme vous l’a déjà dit mon frère Lu-cien, est le prolongement urbain de la voie Cassia. Elle constitue un signal que la ville, après la réunion du Grand Duché, s’ouvrait au monde et à des relations plus calmes avec Florence. L’architecte Lazzarini, me proposa de remodeler radicalement tout un secteur de la ville, en abattant des égli-ses et des accès médiévaux. Mais vu les limites financières la porte fut moins triomphale que prévu et le réemploi des marbres de l’église de la Vierge fut providentiel. Dans l’alignement de la porte, la Via Elisa, qui s’inspire de le Rue de Rivoli parisienne, formait le trait d’union avec Piazza Napoleone. Bien qu’achevée seulement en partie, elle révèle tout de même les inten-tions initiales, grâce aussi au portique néoclassique qui profile partiellement l’hémicycle grandiose et la ligne droite de la Via Elisa. Ces fluides éléments de raccord forment les sièges de re-présentation des deux seuls Hauts-fonctionnaires dont pouvaient dispo-ser la Principauté : Luigi Matteucci ministre de la Justice, de l’Intérieur et des Affaires Etrangères ; et le français Jean-Baptiste Froussard, Secrétaire d’Etat et de Cabinet. Respectivement aux numéros 40 et 50 de la Via Eli-

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sa, les Palais Matteucci, autrefois dit « des Onze Arcades » (à présent propriété des Religieuses de Sainte-Marie et non visitable) et Froussard (à présent Sodini) ont joué un rôle-clé dans le réaménagement urbain lucquois. Facilement identifiables, ils présentent des façades début XIXe siècle enrichies d’agréables espaces verts. Une affection particulière me lie au jardin du Palais Froussard. Allongé et rappelant vaguement un triangle, on le connaît comme le jardin d’Elise. Bien que modifié dans la symétrie des parterres, plates-bandes et gradins, il renferme jalousement des plantes importantes auxquelles sont venus s’ajouter au fil du temps un cèdre du Liban, deux magnolias, un chêne vert, des buissons et des haies.

Au-delà des murs d’enceinte des hauts palais qui donnent sur Via Elisa, en-tre des fenêtres de ciel et des frondai-sons d’arbres séculaires, on devine des espaces verts auxquels on peut rarement accéder. Font exception le Jardin Botanique dont Lucien vous a retracé l’histoire et la Villa Botti-ni, au numéro 9, qui se détache net-tement de l’uniformité médiévale de Lucques. Connue aussi sous le nom de Villa Buonvisi au Jardin, re-monte en effet à la deuxième moitié du XVIe siècle. Il s’agit d’un véritable bijou, décoré de fresques à la fin du XVIe siècle avec des scènes mytho-logiques et allégoriques par Ventura Salimbeni, que Félix acheta 5000 francs, en décembre 1811. Sous ma régence, les dépendances du palais furent placées dans le couvent voisin de San Micheletto. Restaurée et rou-verte au public elle est actuellement le siège du Bureau des Affaires Culturel-les et d’un centre de congrès.

Villa de MarliaDéjà connu au XIe siècle pour ses

thermes, ce village sis dans la végéta-tion des premières collines à quelques kilomètres des murailles de la ville stimula ma vanité féminine. Avec mon soutien il conquit la réputation d’élégant lieu de villégiature inter-nationale. Tout tournait autour des thermes à la Villa Reale de Marlia, que nous achetâmes aux comtes Or-setti, avec ses pièces symétriques, scandée d’éléments grecs récurrents typiques des canons néoclassiques, et encadrées par une belle loggia et une série de fenêtres sur la façade postérieure. L’écho des bals donnés dans la grande salle décorée de fre-sques par Stefano Tofanelli et Jean Baptiste Desmaires résonne en-core. Une fois achetés les terrains la jouxtant, je la dotai d’un parc digne de son rôle, m’inspirant du jardin privé de Napoléon à Malmaison. Le Théatre de Roche, d’eau et de sta-tues, la citronneraie avec son bassin à poissons et les statues de l’Arno et du Serchio, que vous pouvez voir dans la partie haute du jardin remontent au projet initial du XVIIe siècle. Mon goût se reconnaît en revanche dans la partie inférieure du parc où je dilatai l’espace prospectif devant la Villa. La zone la plus basse vit la création d’un lac entouré de bosquets peuplés de daims, chèvres, moutons mérinos et traversés de ruisseaux et de petites allées ombragées de hêtres, chênes rouvres et chênes verts, tilleuls, plata-nes, ginkgo biloba, érables et marron-niers. Marie-Louise de Bourbon pro-fita de ces beautés et chargea Lorenzo Nottolini de construire un observatoi-re astronomique – la Specola. Depuis 1923 la Villa et son parc sont la pro-priété des comtes Pecci Blunt.

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Felix et Elise Napoleona Baciocchi Felice Pasquale Baciocchi, ce mari qui sut en imposer à mon frère obstiné

et qui me donna six enfants était un noble corse d’origine génoise. Nous fumes un couple à succès, immortalisé par le lucquois Stefano Tofanelli, Professeur de dessin et de peinture à l’Université et premier peintre de Cour, dans deux portraits conservés au Palais Orsetti, aujourd’hui siège de la Mairie de Lucques. J’apparais avec la robe en soie blanche au large décolleté bordé de dentelle que je portai pour la cérémonie du couronnement de Napoléon à Notre Dame de Paris, le 2 décembre 1804 ; Félix quant à lui arbore les insignes de la Toison d’Or et de la Légion d’Honneur sur son uniforme de Général de Division en velours bleu ciel ourlé de broderies en or. Devenu militaire de carrière très jeune et capitaine du Régiment Royal, il fut destitué par la Révolution et contraint à émigrer. La vocation innée au commandement des Bonaparte fit de moi la véritable souveraine. Félix fut toujours à mes côtés, en bon prince consort. Mais je le quittai malheureusement trop tôt, et une fois veuf il s’installa à Bologne, où il mourut en 1841. Elise Napoléone, notre fille cadette, fut la seule de nos enfants à atteindre l’age adulte. Née au palais Ducal de Lucques en 1806, elle grandit à Trieste. Passionnée de cheval et de tir à l’arbalète, elle goutait peu l’étiquette, et très tôt elle montra l’autorité maternelle et une énergie digne de son parrain dont elle portait le nom. Ne vous faites pas abuser par l’air apparemment doux de cette enfant à tunique blanche toute simple, amoureusement appuyée contre moi dans le tableau de Pietro Nocchi exposé au Musée Fesch. Cette œuvre, à dire la vérité, ne me plut guère : les séances de pose furent trop longues pour une femme comme moi prise par mille engagements, mais il portraiture bien la beauté ingénue de ma fille. Après le naufrage de son court mariage avec le Comte Filippo Camerata-Passionei di Mazzoleni et la naissance d’un fils, elle retourna à Trieste hôte de ma sœur Caroline dans la demeure que j’avais autrefois habitée. Ses tentatives de porter sur le trône de France, vacant après l’abdication de Charles X, Napoléon François, le fils unique de l’Empereur, prisonnier des Habsbourg demeurèrent vaines. Elle revint sur la scène après le décès prématuré du jeune homme (1832), pour soutenir l’ascension au pouvoir d’un autre cousin, le futur Napoléon III. Après la perte de son fils dans des circonstances mystérieuses, elle s’éloigna de la cour. Elle séjourna en Vénétie, puis en Bretagne pratiquent l’élevage du poisson et gérant son exploitation agricole de Korn-er-Hoüet, où elle s’éteignit en 1869.

Viareggio et Villa PaolinaLes influences impériales con-

quirent aussi la Versilia, où elles répandirent parmi la noblesse la mode des bains estivaux. Pauline, ma coquette sœur ne s’abstint pas

de pratiquer cette nouveauté, et sur le littoral de Viareggio, Via Machia-velli, elle décida en 1822 d’édifier une résidence très belle, à présent siège des Musées Communaux, où elle vécut des moments d’amour

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Lucques, Villa de Marlia, et le pavillon à l’horloge

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sincère avec son amant Giovanni Pacini, un musicien qui possédait une maison à Viareggio. Giovanni Lazzarini la conçut extrêmement compacte, presque massive, mais ouverte intérieurement sur une cour intime et isolée. Dans ce petit monde fort éloigné de l’étiquette parisienne et des fastes romains de la Villa Borghese, où Pauline vivait avec son époux Camillo, leur idylle se nourrissait de leur amour pour la mer et des fragrances enivrantes du jardin romantique. Des chambres à coucher et des salons, décorés par le peintre Federico Marsili dans le goût de l’époque, on pouvait voir la plage que Pauline, en 1823, obtint de pouvoir y aménager une allée plantée de deux rangées d’arbres.A la mort de Pauline, en 1825, la villa passa à Caroline, notre sœur la plus jeune. Montée sur le trône du Royaume de Naples en 1808, avec son mari Joachim Murat, elle s’oc-cupa des arts et suivi en personne une campagne de fouilles dans la zone archéologique de Pompéi. Lor-sque Murat fut chassé de Naples, Caroline s’installa à Venise, puis à Trieste où elle accueillit aussi ma fille Elise Napoleona, et à Pizzo Ca-labro où s’éteignit son mari. Elle se remaria en Autriche avec le général François Macdonald, mais elle se re-tira en 1830 à Florence dans le Pa-lais d’Annalena, somptueusement restauré. Durant ces années, elle séjourna plusieurs fois à Viareggio, dans cette villa des amours qu’elle réaménagea en souvenir de Pauline.

Massa Palais Ducal et Piazza Aranci

Dans l’intérieur de la Versilia au nord, les terres de Massa furent

annexées à mon gouvernement en 1806. J’eus l’idée de m’installer, avec toute ma cour, dans le Palais Ducal qu’Albéric Ier Cybo Malaspi-na commença en 1567, mais qui ne prit sa forme définitive qu’au Dix-huitième siècle sous l’impulsion de la duchesse Teresa Pamphili. Sui-vant les conseils d’abord de Bargigli (qui avait signé dans la Proche Sar-zana le Théâtre des Impavides) puis de Giovanni Lazzarini, je l’adaptai à mes exigences, y ménageant l’ap-partement royal, les chambres pour les dames et les courtisans, le grand salon des officiers. Siège de la Province et de la Préfec-ture, et centre de congrès et d’événe-ments, rien ne nous empêche cepen-dant de jeter un coup d’œil dans la cour animée par une belle loggia. Un escalier monumental mène au Salon des Suisses, décoré d’élégants motifs, puis au Salon des Miroirs très suggestif. Depuis la Cour on accède aussi au Nymphée d’un goût baroque très orné, placé entre la Bibliothèque Ducale et la Loge royale du théâtre. Devant le Palais, non sans abattre une église ancien-ne suivant une pratique désormais une règle, je créai la Piazza Aranci carrée. Le coup d’envoi des travaux fut donné le 7 août 1807 et pour détourner l’attention de la démo-lition de l’église, on raconte que j’ouvris un éventaire pour le tirage du loto dans la cour du Palais Du-cal. Quant à moi, je ne me souviens pas de ces détails futiles.

CarrareA Carrare, je voulus laisser un

temple de l’art, cette Académie dont Lorenzo Bartolini fut l’un des pro-fesseurs les plus talentueux. Auteur

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Pisa,Villa Baciocchi (façade sur jardin)

de nombreuses œuvres sur le thème impérial, il entreprit la production de sculptures et en fit un véritable commerce. Mon effigie officielle et le buste de mon mari Félix aujourd’hui exposés au Musée Communal Rivol-tella de Trieste sont de sa main. Le moule, retrouvé seulement en 1981, est une rareté de la Gypsothèque de l’Académie, l’un des rares modèles de Bartolini qui aient survécu à la révolte anti-napoléonienne à Carra-re du printemps 1814. Le sculpteur, après 1815, fut pratiquement mis à l’index et beaucoup de ses œuvres détruites.

Pise Palais Lanfranchi

Sur le quai de l’Arno Galilée à Pise, je peux évoquer pour vous et faire revivre l’atmosphère du salon de Sophie Caudeiron. Il se trou-vait au Palais Lanfranchi, depuis 2007 Musée des Arts Graphiques où est exposée une collection d’œuvres

graphiques du XIXe siècle et du XXe siècle parmi les plus importantes d’Italie et d’Europe créée en 1957 à l’initiative de Carlo Ludovico Rag-ghianti. Ce nom est encore celui de la famille pisane qui le fit bâtir, à par-tir de 1539, sur un noyau précédent de maisons-tours. A mon époque il était déjà la propriété des Vaccà Ber-linghieri : d’Andrea, mon gériâtre personnel et partisan actif des Bo-naparte, fondateur de la chaire de Chirurgie à l’Université Impériale de Pise, et de sa femme Sophie Caudei-ron. Originaires de Massa mais liés à Montefoscoli, où ils possédaient une maison à présent devenue un musée, les Vaccà Berlinghieri épousèrent la cause Impériale. Cette belle dame française fut la protagoniste de la vie culturelle et sociale pisane, et c’est grâce à elle que le Palais Lanfranchi accueillit poètes, écrivains, hommes politiques, intellectuels et aristo-crates. Parmi ceux-ci, rappelons les époux Shelley et, en 1830, mon ne-

L’Ecole Normale de PiseL’Ecole Normale Supérieure

est sise dans le palais connu aussi sous le nom de la Carovana. Instituée par Napoléon en 1810 sur le modèle des écoles françaises et réorganisée sur instruction de Léopold II de Lorraine, elle fut solennellement inaugurée en 1847. Parmi les ‘normaliens’ (anciens élèves) figurent trois prix Nobel : Giusuè Carducci, Enrico Fermi et Carlo Rubbia.

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veu Mario Felice Francesco Giuseppe Baciocchi, accompagné de son épouse Maria Teresa Pozzo di Borgo et de sa fille nouveau-née Anna.

Camposanto – Cimetière Monumental

Piazza dei Miracoli, le Camposan-to Monumentale accueille les monu-ments funèbres de nombre d’illustres savants et professeurs pisans. Par-mi ceux-ci figure le cénotaphe en marbre d’Andrea Vaccà Berlinghieri, que le danois Berthel Thorvaldsen décora d’épisodes bibliques en 1830. L’Inconsolable, effigie néoclassique de Lorenzo Bartolini, incarne en re-vanche une Elena Mastiani Brunacci éplorée, épouse de Giovan France-sco Mastiani représentant d’une des familles les plus riches et puissantes de Toscane. Sous-préfet sur ordre de Napoléon en personne, il obtint le ti-tre de Comte d’Empire et fut nommé Chevalier de l’ordre impérial de la

Réunion. C’est lui qui m’accompagna à Paris en 1809 pour les noces de Na-poléon avec Marie-Louise d’Autriche.

Musée Villa Baciocchi CapannoliNon loin de Pise, à Capannoli, la

villa Baciocchi porte encore notre nom. Batie sur les vestiges du chate-au de Capannoli, et bien que notre blason figure sur l’architrave, elle fut en réalité acheté par les Marquis Ba-ciocchi en 1833, treize ans après mon décès. Aujourd’hui propriété commu-nale, elle accueille le Musée zoologi-que et un Centre de Documentation Archéologique. Le jardin d’inspira-tion romantique comprend encore aujourd’hui une végétation composée d’arbres de haute futaie.

Piombino Palais Neuf de la Citadelle

Lucien vous a déjà parlé de Piom-bino et de la Citadelle, depuis 2001 Musée Archéologique du Territoire de

Modest et manieresIl existait entre Napoléon et moi une entente subtile. La suprématie sur le

terrain et la force des armes trouvèrent une alliance solide avec mon art de la cohabitation et de la diplomatie. Avec ma « poigne de fer dans un gant de velours » je devins l’interprète du rôle impérial en édifiant villas, résidences et théâtres dans pratiquement toute la Toscane. N’importe où je me trouvais, mes salons regorgeant d’ors et de velours étaient le théâtre d’accords et de stratégies qui donnaient du lustre à toute la famille. J’exprimai ce même goût pour le luxe dans ma manière de m’habiller, au grand dam de l’abbé Chelini. Je faisais venir de Paris, une ville devenue mon modèle indiscuté, les patrons du Journal des dames et des modes. Cherchant sans trêve le beau je dictai les canons de la mode lucquoise et d’un style de vie aisé, appelant à ma cour couturières et modistes pour habiller mes proches et moi-même. A la cour, en 1719, fit son apparition le cacao, l’« aliment des Dieux » apporté en Europe par les Conquistadors espagnols et d’abord employé comme médicament. Cette nouveauté conquit immédiatement les classes les plus aisées et elle devint aussi une douce arme de séduction dans les conversations au Palais Ducal.

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Piombino, le Palais Neuf de la Citadelle, à présent siège du Musée Archéologique

Populonia. J’y résidai entre 1805 et 1807, période où je donnai à l’en-semble une fonctionnalité marquée. Les anciennes écuries devinrent des pièces de service – cuisines, garde-mangers, lavoirs, fours – tandis qu’au premier et au deuxième éta-ge furent aménagées les chambres pour la cour et pour le personnel. Je préservai en revanche, et je sais que cela vous surprendra – la Chapel-le XVe siècle – rebaptisée Chapelle Impériale – et la Vierge à l’Enfant, une terre cuite polychrome d’Andrea della Robbia. Mieux même, je lui procurais de nouveaux meubles cul-tuels, tableaux et objets en argent lui donnant presque un aspect privé.

Contrairement à ma mère et à Pauline, je ne rendis jamais visi-te à Napoléon lors de son exil sur l’ile d’Elbe. Disons cependant que je contribuai à rendre plus con-fortable son exil depuis la terre ferme. La Palazzina del Mulini, choisie comme siège de représen-tation, fut aménagée et décorée par des architectes ayant toute ma confiance, Paolo Bargigli et Luigi Bettarini. Bargigli fut aussi charger de donner un visage plus urbain à la Villa San Marino, plus rurale. Il signa encore le Théâtre des Vigilants de Portoferraio que Napoléon quitta en secret le 26 février 1815.

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Adresses

LISTE DES OFFICES DU TOURISME DES VILLES PARTICIPANT AU PROJET

AJACCIOOffice du Tourisme3 Boulevard du Roi JérômeTel.:+33 (0)4 9551 53 03www.ajaccio-tourisme.comPISA Aéroport (côté arrivées)Tel. +39 050 502518 [email protected] Vittorio Emanuele II 16 Tel. +39 050 42291 - [email protected] Via Pietrasantina, Tel. +39 050 830253 - [email protected] officiel du tourisme en Province de Pise: www.pisaunicaterra.itSAN MINIATO (PI)Piazza del Popolo 1Tel. +39 0571.42745 [email protected] (PI)Via della Stazione Vecchia 6 Tel. +39 0587 [email protected] LUCCAPiazzale Verdi Vecchia Porta San Donato Tel. +39 [email protected] www.luccaitinera.it www.comune.lucca.it/TurismoPiazza S. Maria 35, Tel. + 39 [email protected] www.turismo.provincia.lucca.it

BAgNI DI LUCCAVia Umberto ITel. +39 0583.805745 Piazza Jean Varraud 1Tel. +39 [email protected] www.bagnidiluccaterme.infoCAPANNORIPiazza Aldo Moro 1Tel. +39 [email protected] www.capannori-terraditoscana.org VIAREggIOViale Carducci 10, Tel. +39 0584.962233Piazza Dante – c/o Gare Tel. +39 0584 [email protected] www.turismo.provincia.lucca.it LIVOURNEVia Pieroni, 18/20Tel. +39 0586 894236; [email protected] www.costadeglietruschi.itILE D’ELBEVia Carducci, 150 - Portoferraio (Li) Tel. +39 0565 914671www.aptelba.itgROSSETO Province de grossetoOffice du Tourisme Viale Monterosa 206Tel. + 39 0564 462611; www.turismoinmaremma.itMARINA DI MASSAUffico IAT Lungomare Vespucci n. 2454100 Marina di Massa (MS)Tel. +39 0585 240063 +39 0585 816617

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[email protected] AULLAUfficio IAT - c/o Palazzo comunale (Mairie)P.zza Gramsci 16Tel. 0187 [email protected] IAT P.zza della RepubblicaTel. +39 0187 [email protected] SPEzIA Viale Italia 5 Tel. +39 0187 770900 Fax +39 0187 023945 [email protected] - c/o Gare Tel. +39 0187 718997 iat_speziastazione@provincia.sp.itwww.turismoprovincia.laspezia.itSARzANA (SP)P.zza San Giorgio Tel. +39 0187 620419 Fax +39 0187 634249 [email protected] (CI)Proloco associazione turistica Corso Tagliafico 1Tel. +39 0781 854009www.prolococarloforte.it www.consorzioturisticocarloforte.itSAVONAUfficio di Informazione ed Accoglienza Turistica di Savona: Via Paleocapa 76rTel. +39 019.8402321www.turismo.provincia.savona.itALBENgAUfficio di Informazione ed Accoglienza Turistica di Albenga: Piazza del Popolo, 11Tel. +39 0182 558444;Fax +39 0182 558740BARDINETO ouverture saisonnièreUfficio di Informazione ed

Accoglienza Turistica di Bardineto: Via Roascio 5Tel.: +39 019 7907228Fax: +39 019 7907228LOANOUfficio di Informazione ed Accoglienza Turistica di Loano Corso Europa 19Tel.: +39 019 676007Fax +39 019 676818MILLESIMO – ouverture saisonnièreUfficio di Informazione ed Accoglienza Turistica di Millesimo:Piazza Italia, 2 Palazzo Comunale (Mairie)Tel.: +39 019 564007Fax: +39 019 564368TOIRANOUfficio di Informazione ed Accoglienza Turistica di ToiranoPiazzale GrotteTel.: +39 0182 989938Fax: +39 0182 98463

LISTE DES MONUMENTS/LIEUX DU PARCOURS

CORSEAJACCIOMusée National - Maison Bonaparte Rue Saint-Charles 18 Tel: +33 (0) 495214389www.musee-maisonbonaparte.frMusée Salon Napoléonien Hôtel de Ville Place Foch, Ajaccio, Tel. +33 (0)4 95 51 52 53www.ajaccio.frPalais Fesch Musée des Beaux-Arts Rue Cardinal Fesch, 50-52Tel. + 33 (0)4 95 26 26 26www.musee-fesch.comChapelle Impériale de Palais FeschRue Cardinal Fesch, 50-52;

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Tel. + 33 (0)4 95 26 26 26 www.musee-fesch.comLes Milelli Route des Milelli; Tel. 033 (0)4 95 51 52 53 www.ajaccio.frwww.napoleon.orgCathédrale de Santa Maria Assunta Rue Forcioli-Conti, Tel. +33 (0)95 21 07 67grotte de Casone - Place d’Austerlitzwww.corsicanews.net

SARDAIgNECARLOFORTE (CI)église des Novelli Innocenti Via dei Novelli Innocenti Tel.+39 0781 855735 Oratoire de la Madonna dello Schiavo, Via XX SettembreTel.+39 0781 855735

LIgURIESARzANA (SP)Maison BuonaparteVia Mazzini 26-28www.sarzana.orgForteresse de Sarzanello Via alla Fortezza, Loc. Sarzanello Tel. +39 0187 6141 info line Fortezza Tel +39 339 [email protected] Firmafede Via Cittadella, Tel. +39 0187 614232(visible seulement de l’extérieur) www.sarzana.org Théâtre des Impavides Piazza Garibaldi; www.sarzana.orgPORTOVENERE (SP)Fort de la Castellana, Loc. Le Grazie

SAVONA Archives d’Etat, Via Quadra Superiore 7 Tel. +39 019 8335227www.archivi.beniculturali.itMonte Negino – lieu des combats de la 1ère campagne d’ItalieSanctuaire de N.S. della Misericordia di Savona - lieu des combats de la 1ère campagne d’ItalieALBENgA (SV) Fortin – Musée NapoléonienPiazza EuropaTOIRANO (SV) Chartreuse de Toirano Via Certosa – lieu des combats de la Bataille de LoanoBALESTRINO (SV) Ecuries du Marquis de Balestrino – musée du cadastre napoléonienneSanctuaire de Monte Croce – point d’observation des terrains des batailles napoléoniennesCASTELVECCHIO DI ROCCA BARBENA (SV)Osservatorio di Massena – point d’observation des terrains des batailles napoléoniennesPian dei Prati point d’observation des terrains des batailles napoléoniennes Colle dello Scravaion - tranchées napoléonienneszUCCARELLO (SV) Taverna dei tre diavolilieu de rencontre entre le Général Masséna et ses officiersBARDINETO (SV) lieu des combats de la Bataille de LoanoBOISSANO (SV)lieu des combats de la Bataille de LoanoLOANO (SV) épilogue final de la retraite des troupes austro-piémontaises de la plaine de LoanoMAgLIOLO (SV) lieu des combats de la Bataille de Loano

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RIALTO (SV) Sanctuaire de la Madonna della Neve – lieu d’occupation et de défense de l’armée française pendant la Bataille de LoanoMALLARE (SV) lieu des combats de la Bataille de LoanoALTARE (SV) - étape de l’itinérairelieu d’arrivée de Napoléon à l’armée d’ItalieQUILIANO (SV)Cadibona – lieu de mémoire de la 1ère campagne d’ItalieCAIRO MONTENOTTE (SV)Parco dell’Adelasia – lieu de mémoire de la 1ère campagne d’ItalieDEgO (SV) lieu des combats de la 1ère campagne d’ItaliePalazzo Comunale (Mairie)- Via Municipio 10Tel. +39 019 577792www.comune.dego.sv.it/storiaCOSSERIA (SV) - Etape de l’itinéraireRuines du château Del CarrettoLoc. Castello lieu des combats de la 1ère campagne d’ItalieMILLESIMO (SV) lieu des combats de la 1ère campagne d’ItaliePalazzo Comunale (Mairie)Piazza Italia 2, Tel. +39 019 564007www.comune.millesimo.sv.itMusée Napoléonien de Villa Scarzella Via Del Carretto 29 Tel. +39 019 564007www.itinerarionapoleonico.com

TOSCANEMASSA - CARRARAMASSA (MS)Palais Ducal, Piazza Aranci,Tel. +39 0585 816111 www.provincia.ms.it

Cathédrale des Santi Francesco e Pietro Via Dante, Tel +39 0585 42643Château MalaspinaVia del Forte, Tel +39 0585 44774 www.istitutovalorizzazionecastelli.it CARRARE (MS)Académie des Beaux-Arts Via Roma 1, Tel. +39 0585 71658, www.accademiacarrara.itCave dei Fantiscrittiwww.cavamuseo.com FIVIzzANO (MS)Palais Fantoni-Bononi, Musée de la PresseVia Labindo 6www.comune.fivizzano.ms.it Tel. 0585 942128/52Monument funèbre à giovanni Fantoni “Labindo”église de S. Carlo – église des CarceriVia Umberto Iwww.comune.fivizzano.ms.it tel: 0585942128/52MULAzzO (MS)Archives Musée des MalaspinaPiazza Malaspinawww.archiwebmassacarrara.comBAgNONE (MS)Musée Archives de la MemoirePalazzo della MemoriaPiazza Marconi 7www.archiwebmassacarrara.comPISAPalais Royal, Lungarno Pacinotti 46 Tel. +39 050 926539www.sbappsae-pi.beniculturali.itPalais Lanfranchi Musée des Arts graphiques Lungarno Galilei 9Tel. +39 050 2216060www.museodellagrafica.unipi.itCimetière MonumentalPiazza dei MiracoliTel. +39 050 835011www.opapisa.it

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CAPANNOLI (PI)Villa Baciocchi Via del Castello 1 Tel. +39 0587 607035www.comune.capannoli.pisa.itMONTEFOSCOLI (PI)Casa Vaccà Berlinghieri, Via A. Vaccà, 47Montefoscoli PalaiaTel. +39 0587 657072www.museomontefoscoli.itTemple de Minerve Medica Loc. Torricchio, Montefoscoli, Palaia Tel. +39 0587 657135www.tempiodiminerva.comSAN MINIATO (PI)Palais Formichini siège de la Caisse d’Epargne de San Miniato Via IV Novembre 45Tel +39 0571-405295 Cathédrale de Santa Maria Assunta Piazza Prato del DuomoAcadémie des Euteleti Palais MiglioratiVia XX Settembre 21 Tel +39 0571 42598 Système muséal de San MiniatoTel. +39 0571-42598 www.comune.san-miniato.pi.itLUCCAPalais DucalCortile Carrara 1Tel. +39 0583.4171www.palazzoducale.lucca.itVilla BottiniVia Elisa, 9Tel +39 0583.44214. Le jardin est visitable tous les joursde 9h00 à 18h00. Entrée gratuite.www.comune.lucca.itJardin botanique Via del Giardino Botanico14Tel. +39 0583.442160www.ortobotanicodilucca.itMusée et Pinacothèque Nationale de Palais Mansi, Via Galli Tassi, 43 Tel. +39 0583 55570

www.luccamuseinazionali.itPalais Matteucci (à présent des religieuses de Sainte-Marie)Via Elisa 40, Tel. +39 0583 491974(visible seulement de l’extérieur)Palais Froussard (à présent Sodini) Via Elisa 54 (visible seulement de l’extérieur)Palais Orsetti (à présent Mairie) Via Santa Giustina 6 Tel +39 0583.4422www.comune.lucca.itBAgNI DI LUCCAPalais à la VillaVia Monache 1 www.bagnidiluccaterme.info CAPANNORIVilla et parc royalViale Europa, Loc. MarliaTel. +39 0583.30108seul le parc est visitablewww.parcovillareale.it VIAREggIOVilla Paolina (siège des Musées Communaux) Via Machiavelli 2 Tel. +39 0584.966342 - 966346www.comune.viareggio.lu.itLIVORNOMusée Communal giovanni Fattori Piazza Sant’Jacopo in Acquaviva 65 Tel.+39 0586 8048 [email protected] (LI)Chapelle de la Madonna di Cittadella, Piazza della CittadellaLa chapelle est ouverte pendant la journéePalazzo NuovoPiazza della Cittadella, 8Abbaye de Sant’Antimo Via XX Settembre 15Tel + 39 0565 32036 (Diocèse de Massa Marittima-Piombino)

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ILE D’ELBEPortoazzurro Forte San Giacomo ou Forte Longonewww.comune.portoazzurro.li.it PORTOFERRAIO - ELBA Biscuiterie (à présent Mairie)Via Garibaldi 7Tel. +39 0565 937111.Palazzina dei Mulini, Piazzale Napoleone www.sbappsae-pi.beniculturali.itVilla San Martino Galleria DemidoffLoc. San Martino Tel. +39 0565 914688www.sbappsae-pi.beniculturali.itwww.infoelba.itMusée Napoléonien de la Venerabile Arciconfraternita della Misericordia Salita Napoleone, Tel. +39 0565 918 785Pinacothèque Centre Culturel De LaugierSalita NapoleoneTel. +39 0565/937380 - 917649www.comune.protoferraio.li.itMARCIANA – ELBASanctuaire de la Madonna del Monte - Loc. Madonna del MonteTel. +39 0565 901041 (Diocèse de Massa Marittima-Piombino) Le sanctuaire est toujours ouvert et l’entrée est gratuitegROSSETO Archives d’Etat, Piazza Socci 3 Tel. +39 0564 421947 -24576 www.archivio.beniculturali.it Musée Archéologique et d’art de la Maremme, Piazza Baccarini, 3 Tel. +39 0564/488750-760-752www.museidimaremma.it

FOLLONICA (gR)MAgMA Museo delle Arti in ghisa della Maremma (ouverture printemps 2013)Comprensorio ex Ilva - [email protected] www.comune.follonica.gr.it/museoVilla granducale (siège actuel du Corpo Forestale dello Stato)Via Bicocchi 2 Tel. +39 0566-40019

AUTRES LIEUXCANINO (VT)Collégiale de SS. giovanni e Andrea Piazza Bonaparte www.canino.infoROMEVilla del Principe Borghese (siège du Musée et Galerie), Piazzale del Museo Borghese 5 Tel. +39 068413979; www.galleriaborghese.itFIRENzEPalazzo Pitti Piazza dei Pitti Tel. +39 055 294883 - 2388763 www.palazzopitti.itBOLOgNA Basilica San Petronio Piazza Maggiore 1, Tel. +39 051 231415 www.basilicadisanpetronio.it

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Images:Archives photographiques Province de Lucques, Province de Pisa, Province de Grosseto, ARTEmisia Servizi Culturali S.c.a r.l., ARTEmisia Servizi Culturali S.c.a.r.l., Office du Tourisme Province de Massa Carrara, Circolofotografico Sarzanese, Earth S.c.r.l., GiorgioDagna, Massimiliano Nucci, Luigi Pellerano,Silvia Simi, Beatrice Speranza, StefanoVannucchi, Enrico Zunino

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Les lieux de NapoléonUn voyage entre la Ligurie, la Corse, la Sardaigne et la Toscane

www.napoleonsites.eu

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Esperienze di rete culturale transfrontaliera per la valorizzazione del patrimonio napoleonico

Ajaccio~Carloforte~Livorno~Lucca Massa Carrara~Pisa~Sarzana~Savona


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